Édouard Philippe est un homme intelligent et surtout cohérent.
Il l'a dit et même revendiqué lors de son discours d'intronisation à Matignon : c'est "un homme de droite".
Il mène en conséquence une politique de droite.
Il applique grosso modo ce qu'Alain Juppé aurait mis en place s'il avait été élu Président de la République.
La seule différence, et elle est de taille pour Philippe, c'est qu'il n'aurait pas été le Premier ministre de Juppé. Celui-ci aurait été contraint de lâcher du lest vis à vis de l'aile conservatrice de son parti.
Un faux air de Juppé
Durant la crise des gilets jaunes, Édouard Philippe avait d'ailleurs un faux air de Juppé 95. La même raideur, le même refus du dialogue, au fond la même politique libérale. Lors de cet épisode, il a probablement commis sa première erreur en refusant la main tendue par la CFDT. Il aurait alors bénéficié d'une sortie de crise par le haut. Si nous écrivons que Philippe a réalisé sa première erreur, ce n'est pas que nous cautionnons la politique qu'il a mené jusqu'ici. Nous reconnaissons simplement ses qualités politiques. Il mène la politique en laquelle il croît. Jusque-là il réussissait à cacher l'indigence de la majorité et de son gouvernement. Il fut notamment le seul qui défendit convenablement Emmanuel Macron pendant l'affaire Benalla. Une tâche d'autant plus ardue que les faits étaient aberrants et que la majorité apparaissait en pleine débandade.
Un libéral convaincu et cohérent
Édouard Philippe a été la cheville ouvrière de la création de l'UMP qui revenait à transformer un mouvement qui se voulait gaulliste, c'est à dire transcendant les clivages, en parti de droite banale. Il est vrai que le RPR n'avait plus grand chose d'un mouvement transpartisan. Pasqua étant déjà parti, l'épisode acheva de faire fuir les gaullistes authentiques puisque Séguin décida de ne pas continuer dans cette formation. Philippe a donc été un acteur, certes mineur, de l'enterrement du gaullisme avec Chirac et Juppé, et donc un promoteur patenté d'une droite libérale prétendument moderne. Son engagement auprès d'Emmanuel Macron et la politique qu'il met en place actuellement apparaissent ainsi en pleine cohérence avec son itinéraire politique. Partisan de la défiscalisation des heures supplémentaires sous Sarkozy, il ne peut qu'approuver sa réintroduction aujourd'hui. Les contorsions acrobatiques sont en revanche de rigueur pour Castaner ou de Rugy qui critiquaient vivement cette mesure il y a encore quelques années. Une période, il est vrai, où ils n'étaient pas ministres. La détention d'un maroquin ministériel peut avoir des vertus persuasives quasi miraculeuses...
Kevin Alleno
EN COMPLÉMENT :
→ "Je suis un homme de droite." Les premiers mots d'Edouard Philippe à Matignon, Vidéo BFM TV
→ Alain Madelin : "Moi qui passe pour être libéral, j’aurais engagé toute action gouvernementale en traitant d’abord l’urgence sociale", Interview parue dans Atlantico, 16 décembre 2018
→ UDI : Lagarde lance sa campagne des Européennes et attaque Macron, Libération, 15 décembre 2018