Réduire le nombre de parlementaires : la fausse bonne idée

C'est dans l'air du temps, il faudrait réduire le nombre de parlementaires.

C'était le sens de la réforme institutionnelle étudiée avant que n'éclate l'affaire Benalla.

Et il y a de fortes chances que cela soit proposé en guise de conclusion du grand débat national avec mise au vote par référendum. C'est probablement l'une des seules mesures où le Gouvernement s'assure d'obtenir un oui qu'il faignera de prendre pour un blanc sein de sa politique.

Or, si « l'élu-bashing » est un sport à la mode ces dernières années, la suppression d'un tiers de parlementaires a en réalité tout de la fausse bonne-idée.

Un éloignement des citoyens

Tout d'abord, réduire le nombre de parlementaires induit mécaniquement d'agrandir les circonscriptions afin que tout le territoire soit représenté. Ce qui ne manquera pas d'éloigner les parlementaires des citoyens. En effet, avec des circonscriptions comprenant un tiers d'habitants en plus (cela fera 30 000 citoyens en plus par parlementaire), moins de citoyens auront l'opportunité de rencontrer leur parlementaire. Or, ceux-ci apparaissent souvent comme l'ultime recours pour des personnes en détresse. Même raisonnement s'agissant des services publics, des associations et des entreprises du territoire. Ce phénomène d'éloignement du citoyen sera plus important encore s'il est introduit une dose de proportionnelle car ce mode de scrutin fait la part belle aux états-majors politiques parisiens et leur permet de recycler toutes les personnes incapables de se faire élire sur leur nom.

France-États-Unis : Une comparaison non pertinente

Les défenseurs de la réduction du nombre de parlementaires ont coutume de dire que la France dispose d'un trop grand nombre de parlementaires par rapport aux États-Unis et à l'Allemagne. Au pays de l'Oncle Sam un parlementaire représente ainsi 608 526 habitants, c'est un parlementaire pour 106 257 habitants chez notre voisin d'outre-Rhin. Ce chiffre est de 1 pour 72 320 pour la France actuellement. Il serait de 1 pour 103 235 après réforme. Or,il n'est pas pertinent de comparer la France avec les États-Unis ou l'Allemagne car ceux-ci sont des États fédéraux tandis que la France est un État unitaire décentralisé. Les États-Unis ont ainsi déjà des parlements au niveau des États-fédérés, ce qui ne rend pas utile d'avoir davantage de parlementaires au niveau fédéral. Si l'on compare avec le Royaume-Uni (1 pour 45 112) ou l'Italie (1 pour 63 790), la France n'a pas à rougir, loin de là !

Solution démagogique

Avec la réduction du nombre de parlementaires, le Gouvernement caresserait l'opinion dans le sens du poil. Proposition démagogique dans la droite lignée de la réduction du nombre de collaborateurs dans les cabinets. Réforme hypocrite qui a vu dans le même temps les rémunérations des collaborateurs restants exploser. Les membres des cabinets ont rapidement été débordés, contraignant à recruter des contractuels de la fonction publique pour faire face à la charge de travail tout en conservant la face. C'est une situation similaire qui arrivera pour les parlementaires si le Gouvernement va au bout de sa logique. Et c'est finalement les citoyens les plus fragiles qui en pâtiront.

Kevin ALLENO

EN COMPLÉMENT :

Nombre de parlementaires. Y a-t-il une exception française ?, Le Télégramme, 4 avril 2018

Réforme du Parlement : gare aux désillusions !, Michel Urvoy, Ouest-France, 12 février 2019

Une réforme des institutions à haut risque, Note de Louise Blois pour la Fondation Jean Jaurès, 5 juillet 2018

Réforme du règlement de l'Assemblée nationale : propositions pour mieux légiférer et pour plus de démocratie, Note de Philippe Quéré et Dominique Raimbourg pour l'Hétairie, 13 février 2019

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