Depuis le début de ce quinquennat, les parlementaires socialistes seraient confrontés à une impossible alternative : faire preuve de déloyauté en refusant le soutien au gouvernement de gauche et au président de la République, faire preuve de passivité en revêtant le costume de godillot au Parlement.
Ce débat n’est pas nouveau dans l’histoire des socialistes. La double nature des députés, porte-parole de leur famille politique et en même temps porte-voix de leurs électeurs, a toujours été acceptée. Le groupe parlementaire n’est pas la fraction parlementaire du parti comme c’est le cas en Allemagne, il a toujours cherché son équilibre entre la singularité et la solidarité.
UNE NOUVELLE DONNE
Le débat qui a traversé, ces derniers mois, le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale n’a pas échappé à cette apparente contradiction. D’autant que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la vie de nos institutions. Le non-cumul des mandats, une lecture plus parlementaire de la Ve République portée par François Hollande dans la campagne de 2012, un nouveau rapport entre l’exécutif et le Parlement proposé par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale ont créé une nouvelle donne.
La défaite lors des récentes élections municipales et européennes est venue accentuer cette situation. Le problème n’est pas qu’il y ait des désaccords, il en a déjà existé. Rappelons-nous les votes de députés socialistes contre la première guerre du Golfe ou contre l’amnistie des généraux félons, lors des septennats de François Mitterrand. Le problème réside dans la permanence d’une défiance a priori à l’égard de l’exécutif, qui a conduit à une mobilisation de socialistes contre d’autres socialistes ou allant jusqu’à mobiliser d’autres groupes pour battre le gouvernement.
Le débat entre godillots et déloyaux n’a pas de sens. Si ce n’est notre affaiblissement collectif.
LA FRANCE A PRIS SES RESPONSABILITÉS
Alors que l’appareil productif – et d’abord l’industrie –, les comptes publics et le système éducatif ont été gravement abîmés pendant une décennie de politique libérale-conservatrice, le cap de la politique économique a été fixé, et nous l’assumons. Parlementaires, nous jouerons notre rôle pour en mesurer l’efficacité, en particulier dans le cadre de la mission sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui doit permettre de vérifier que l’indispensable soutien à la compétitivité de nos entreprises sert effectivement l’emploi, la formation, l’investissement, et pas la distribution de dividendes.
La France a pris ses responsabilités tant au plan des réformes – retraites, marché du travail, formation professionnelle, organisation territoriale – que du sérieux budgétaire, et il n’est pas possible, alors que la croissance est atone, de luidemander des efforts supplémentaires. L’Europe, toujours dominée par la droite, n’est pas au rendez-vous. Malgré les demandes des gouvernements de gauche, elle tarde à s’engager en faveur de la croissance, avec plus de déclarations d’intention que d’actes réels. Elle tarde à agir devant un euro qui reste trop fort.
A la rentrée, nous nous saisirons des chantiers ouverts par le chef de l’Etat et le premier ministre sur l’emploi – des jeunes et des seniors, notamment –, sur la fiscalité des ménages modestes et des couches moyennes – donc le pouvoir d’achat –, sur l’investissement – des entreprises, mais aussi des collectivités locales. Nous agirons à chaque moment pour que les inflexions sociales en faveur des plus fragiles soient prises en compte. Nous serons au rendez-vous des grands défis de la transition énergétique et de l’adaptation de la société au vieillissement qui seront examinés par le Parlement d’ici à la fin de l’année.
MODERNISER NOTRE PRATIQUE
Ce pseudo-débat entre godillots et déloyaux est derrière nous. Il faut maintenant moderniser notre pratique. Le groupe doit être plus que jamais le lieu de l’élaboration. Le respect des opinions et des personnes, la norme de nos débats. La majorité, le mode de régulation. Nous ne pèserons dans les débats que collectivement.
Nous connaissons le désarroi qui s’exprime devant des résultats qui tardent à arriver. Nous mesurons à quel point le chômage toujours trop élevé est une plaie ouverte dans notre démocratie. Nous sommes aussi conscients d’une désespérance sociale qui vient nourrir la désespérance politique. Face aux difficultés, les tentations de repli, de défiance et d’indifférence sont nombreuses. Trop souvent, le « tous pareils » renvoie au « à quoi bon », les deux nourrissant le vote Front national et l’abstention. Nous sommes convaincus qu’il revient aux parlementaires socialistes de revendiquer l’affirmation d’une détermination, d’une cohérence et d’un rassemblement pour agir.
Une détermination, dans le choix de la réforme pour notre pays. Il ne s’agit pas dechanger pour changer, mais de construire une France plus efficace et plus juste, face aux inégalités territoriales et sociales.
Une cohérence, par un cap constant. Il ne s’agit pas de se montrer sourds aux manifestations d’inquiétude. Mais on ne peut redonner confiance à un pays qui doute par des coups de volant brusques et répétitifs.
Un rassemblement, car c’est ce qui fait notre force, nous permet de convaincre et d’entraîner avec nous les Français. Ce n’est pas l’argument pour éviter les débats, c’est la condition pour être audibles et crédibles, et donc un jour entendus.
Le président de la République a indiqué le calendrier de cette seconde moitié du quinquennat dans son entretien télévisé du 14-Juillet. Nous nous inscrivons dans ce chemin.
Nous voulons réussir ensemble et non perdre les uns contre les autres. La lecture plus parlementaire de nos institutions, qui doit être confortée et renforcée, exige des parlementaires pleinement responsables de l’intérêt général de la gauche et du pays. Nous voulons la réussite de la gauche et nous pèserons ensemble en ce sens.