Aux eurosceptiques grincheux

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Ces derniers mois, l’Union européenne (UE) a connu trois événements majeurs ; un plan de relance de 750 milliards d’euros, l’accord sur le Brexit et l’achat de centaines de millions de doses de vaccin anti-COVID. Ces trois dossiers relèvent en droit communautaire de la souveraineté des Etats membres (avec quelques nuances toutefois pour le Brexit puisqu’il couvre une multitude de domaines), chacun possédant donc un droit de veto, seule l’unanimité permettant alors leur conclusion.

 

Un plan de relance européen malgré les "frugaux"

Sur le plan de relance,  pour pallier les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID, les 27 Etats européens ont trouvé un accord pour lier le prochain budget pluriannuel de l'Union européenne 2021-2027 (1.074,3 milliards de d'euros) et un plan de relance de 750 milliards d'euros. Pour la première fois, la Commission va emprunter au nom de l'UE et répartir les fonds entre prêts et subventions accordés aux différents Etats. Certes la négociation a été ardue car les Etats « frugaux », disons plus simplement radins, avec les Pays Bas en fer de lance puisqu’on ne peut plus se réfugier derrière le Royaume Uni, ont ferraillé pour ne pas prendre en charge les difficultés de certains Etats. La raison l’a emporté. Car un sud ruiné ne pourrait plus acheter à un nord nanti. Une réflexion qui rend solidaire. Le bénéfice de ce plan de relance est en outre subordonné au respect de l’état de droit, avec Hongrie et Pologne dans le collimateur.

L’accord sur le Brexit a ceci de remarquable que durant cette longue et difficile négociation les 27 Etats membres sont restés unis et solidaires. Pourtant les intérêts n’étaient pas toujours les mêmes. Pour illustrer, le dossier pêche si important pour nous était accessoire pour des pays du centre de l’UE. Un chalutier autrichien en eaux britanniques pêchant le hareng, beau sujet pour l’ENA mais hors de propos dans ce dossier.

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La culture de la coopération

Sur les vaccins anti-COVID, bien qu’en cas de pandémie chaque Etat membre puisse décider de sa politique de protection, la Commission a convaincu de faire cause commune par un achat centralisé pour répartition ultérieure au prorata de la population des pays. Ainsi, l’acceptation de cette procédure a permis d’éviter une surenchère dans l’acquisition du vaccin à laquelle les pays les moins riches de l’UE n’auraient pu participer.

Les moins grincheux parmi les grincheux diront que tout cela est le résultat d’échanges, de compromis voire de compromissions. Certes mais la solidarité, mot qui nous est cher en tant que socialistes, est souvent, très souvent l’aboutissement de compromis afin de rapprocher des points de vue contradictoires quand ils ne sont pas antagonistes.

Il est un autre sujet qui fait déjà chronique : la fiscalité des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, en réalité 27 entreprises concernées). La règle de l’unanimité handicape toute solution de compromis car dans l’UE c’est le dumping fiscal qui malheureusement règne. Les choses changent toutefois avec la crise du COVID. Il faudra bien rembourser les centaines de milliards d'euros de subventions prévus dans ce cadre. Pourraient être ainsi privilégiées- la Commission s’y emploie – des taxes au niveau de l’UE, une « redevance numérique » avec objectif de mise en œuvre le 1er janvier 2023.

Le lien ci-après offre un remarquable et très didactique éclairage de l’enjeu de la fiscalité des GAFA.

La nouvelle donne économique du plan de relance Biden

On ne peut conclure sans évoquer le plan de relance décidé par le Président américain Joe Biden et approuvé par le Sénat : 2000 milliards de dollars soit 1660 milliards d’€. L’écart avec la décision européenne est incontestable et mériterait un long développement. Mais notons à ce stade deux différences fondamentales et structurantes. D’abord les Etats-Unis vivent de longue date avec un fort taux d’endettement. Et là où l’UE porte un jugement de grande sévérité à l’encontre de ses Etats membres lourdement endettés, les Américains s’en accommodent historiquement et n’hésitent pas à faire tourner la planche à billets pour y pallier. Ensuite Les Etats Unis fonctionnent selon une organisation fédérale ce qui signifie que Joe Biden n’a nullement eu à quémander l’accord des Gouverneurs des 50 Etats. Dans l’UE, une décision identique relève de l’accord unanime des 27 Etats membres car cela relève de leur souveraineté selon le Traité. Il a donc fallu faire preuve d’imagination et de contorsions pour contourner les règles sans les violer mais aboutir au résultat souhaité : le plan de relance. Les chroniqueurs aiment à dire que l’Europe avancent dans les crises. Ne pourrait-ton pas ajouter que les crises ont généralement révélé le besoin de fédéralisme ? Beau sujet de controverse !

Jean-Paul Méheust


SOMMAIRE :



EN COMPLÉMENT :


Valérie Rabault (Députée du Tarn-et-Garonne) : "Il faut refaire le plan de relance" - 23 Mars 2021, BFM Business


L’Europe au défi des populismes : débat avec Cas Mudde et Jean-Yves Camus, Fondation Jean Jaurès, 22 mai 2019


Le Green Deal européen, Vidéo de l'IFRI, 31 août 2020


Jean-Dominique Giuliani - UE : faut-il aller plus loin ? - Les Experts du Dessous des cartes | ARTE, 11 septembre 2019

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