Les élus socialistes et républicains morbihannais étaient réunis le 2 juin à Baud, sous l’égide de Démocratie et Projets 56, présidée par Paul Paboeuf, pour travailler sur la politique départementale de l’eau. Divers constats et propositions ont été dressés.
De l’eau pour tous les Morbihannais
L’organisation de cette réunion fait suite à une demande de Serge Moëlo, président de SIAEP, qui souhaitait qu’on débatte des évolutions du Syndicat Départemental de l’Eau. Il n’a pas été envisagé dans un premier temps d’évoquer la problématique des SAGE, ni celle des bassins versants.
M. Bernard Simon, directeur du SDE, a brossé un tableau de la situation actuelle et présenté les scénarios d’évolution. Le syndicat départemental s’était donné pour objectif d’assurer le service de l’eau pour tous les Morbihannais. Cet objectif est atteint au prix d’investissements importants aussi bien pour la production d’eau potable, que pour la distribution. Le syndicat a contribué à la construction d’usines de traitement, à la protection de la ressource (captages). Il a réalisé l’interconnexion des réseaux. Ainsi, le service est sécurisé, même si la situation peut être tendue à certains moments.
Le syndicat a fait le choix politique de la péréquation et de la solidarité. Il a adopté un tarif unique pour tout le territoire, à l’exclusion cependant des villes de Vannes et de Lorient qui sont restées en dehors du syndicat. La péréquation fait que les syndicats excédentaires viennent apporter des cofinancements aux syndicats déficitaires.
Aujourd’hui la péréquation pourrait être mise en cause devant la juridiction administrative et cette insécurité juridique a conduit le SDE à étudier les évolutions statutaires qui pallieraient ce défaut. Trois scénarios ont été envisagés : évoluer vers un système fédéral (?), mettre en place une organisation centralisée, répartir les compétences entre les niveaux. Le premier scénario n’a pas été présenté de façon approfondie, le second a paru trop lourd et trop loin des élus de base comme des usagers. C’est donc le troisième qui est privilégié. Ce qui pose questions à certains.
La solidarité affichée renvoie au partage de la ressource, d’où l’interconnexion, et au tarif unique. La grille d’aujourdhui comporte une part fixe (l’abonnement, la location de compteur) et une part variable avec une forte dégressivité. Ces choix ont été fondés historiquement sur la prise en compte des charges fixes (coût du branchement/vente d’eau) et sur la volonté d’appuyer le développement de l’industrie agroalimentaire gourmande en eau.
Ensuite, M, Jean-Pierre Thor, de l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales) a présenté l’analyse du fonctionnement du SDE du point de vue des consommateurs. Il a d’abord insisté sur le prix élevé de l’eau dans le Morbihan et noté qu’on peut observer que ce sont les petits consommateurs qui contribuent le plus fortement aux recettes et qui, en somme, subventionnent les industriels. Il note également que plus on s’éloigne de la régie directe, plus le prix est élevé. Parmi les suggestions qu’il avance pour corriger cette fausse solidarité, il note qu’il faudrait réduire au plus bas la part fixe, comme le prévoit d’ailleurs la LEMA (Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques), et faire payer aux gros consommateurs un prix en rapport avec leur usage. Il regrette les difficultés rencontrées lorsqu’il demande communication des données du SDE et il note également que, malgré les demandes des associations de consommateurs, le SDE n’ait pas créé une instance de concertation de type CCSPL (Comité Consultatif des Services Publics Locaux). Ce n’est pas une obligation légale, mais ce serait une marque de considération pour des instances représentatives de la société civile.
L’après-midi a été consacré aux débats.
Jean-Pierre Le Roch regrette l’absence des élus du pays de Lorient. Il rappelle que le choix de la solidarité remonte à son prédécesseur Michel Masson et que c’est un principe auquel il ne dérogera pas. Conscient de la nécessité de faire évoluer l’organisation SDE/SIAEP, il rejette toute solution où les SIAEP auraient à fixer un prix lié à la distribution, ce qui par exemple créerait sur la communauté de Pontivy 4 prix différents de l’eau, puisque la communauté est partagée entre quatre syndicats. Pour les industriels, il souligne les risques financiers de perdre un client : l’industriel peut faire un forage, et cesser de payer au fournisseur. Si Pontivy perd un gros consommateur, les coûts de gestion et distribution se répercuteraient sur les consommateurs… Si les SIAEP doivent gérer uniquement la distribution, le coût de renouvellement et de maintenance ne pourra être supporté que par les usagers de chaque syndicat, sans la péréquation départementale. La ville de Pontivy ne souhaite pas prendre le risque de perdre un industriel. Sachant que le service actuel est excédentaire de 800 k€, parce que Pontivy a la ressource. Une ressource de bonne qualité, même si les pesticides sont plus difficiles à analyser. Aujourd’hui, l’usine fonctionne à 12000 m3/jour. Elle peut donc exporter ou faire des échanges de ressources entre collectivités limitrophes, ce qui n’est pas considéré comme du transport, et peut donc se faire de gré à gré sans le SDE. Possibilité intéressante à conserver.
Il y a un accord général sur les principes fondateurs, la solidarité et la péréquation ; y renoncer créerait des disparités très fortes entre territoires. Si le SDE prend la compétence Production, les SIAEP perdent toute la marge de manœuvre qu’ils ont au départ, avec en conséquence, la perte de tout pouvoir pour les zones du Centre-Bretagne. En effet, en zone rurale, on est souvent excédentaire.
On peut aussi citer l’expérience de Langonnet qui est en régie communale, qui montre l’intérêt des petites structures en gestion de proximité avec une production de 300 m3/jour. C’est une logique qui revient sur la scène à l’échelle nationale. Il est nécessaire pour les élus de s’appuyer sur les associations de consommateurs. D’autant que la LEMA va obliger à bouger sur les statuts du SDE et la politique de tarification.
Le SDE semble vouloir aller vite sur la compétence production et nous allons devoir prendre position. Or, tout le monde s’accorde à dire que l’eau est avant tout une question de société qui intéresse tout le monde et en particulier les citoyens. La logique de centralisation (des usines et organisations type SDE avec sa compétence production) ne permet pas de responsabiliser la population sur la question de l’eau. Aujourd’hui personne n’a intérêt à économiser l’eau, ni les sociétés gestionnaires, ni les consommateurs puisque les tarifs sont fortement dégressifs. Il est donc important que soit mis en place un comité consultatif assez large, dans le cadre de l’Agenda 21 départemental, qui d’ailleurs – et c’est étonnant – n’aborde pas la question de l’eau. Après tout, sur les déchets, et avec les limites qu’on a pointées, le département a organisé une consultation publique. Il faudrait le faire sur le problème de l’eau avec des réunions locales et des débats contradictoires. Ce serait aussi un moyen de reconquérir de l’autonomie vis-à-vis des sociétés gestionnaires.
Le débat devra aussi remettre dans le jeu les villes de Vannes et de Lorient, dont les régies municipales fournissent une eau à un prix bien plus bas. Tous les élus doivent s’impliquer dans cette concertation. La structure centralisée du SDE n’est pas favorable à la concertation car les dossiers sont ficelés avant même la réunion du bureau, pour ne rien dire de l’assemblée générale. Par exemple, les travaux du bureau d’études KPMG n’ont pas été assez diffusés et débattus.
La problèmatique de l’assainissement ne doit pas être séparée de la question de l’eau : les syndicats vont avoir à réaliser des investissements énormes, et le but ultime de ces investissements est la protection de la ressource en eau potable.
Nous suggérons donc qu’on se donne un peu plus de temps de réflexion, et on organise des réunions locales ouvertes à tous avec des débats contradictoires, et on joue notre rôle de concertation et participation. Ce serait tout à fait le cadre de l’Agenda 21 départemental.
En conclusion, nous décidons de faire une communication publique sur notre réunion. Dans un second temps, nous transmettons la synthèse de nos réflexions au SDE et aux présidents de SIAEP, en demandant aux uns et aux autres de préciser leurs positions et interrogations. Les membres du bureau du SDE pourraient prendre en mains la réflexion et préparer le débat général.