Histoire

 

histoireLe congrès de Saint-Brieuc, les 7 et 8 juillet 1907, entérine la dissolution de la Fédération socialiste bretonne (FSB) et annonce, dans les mois suivants, la création des cinq fédérations bretonnes de la SFIO.

15 décembre 1907 : Naissance de la Fédération socialiste du Morbihan

A l’échelle nationale, les différents courants socialistes apparus à la fin du 19e siècle ont fusionné dans la SFIO dès 1905. Le cas breton se singularise avec l’expérience originale d’une structuration à l’échelle régionale, mal connue en raison de la dispersion des archives.

 

Organisés dans la FSB (Fédération Socialiste Bretonne) depuis 1900 sous l’impulsion du Nantais Charles Brunellière, les socialistes choisissent d’emblée le mouvement fédératif pour répondre aux impératifs d’implantation de noyaux minoritaires et confrontés à l’hégémonie du bloc réactionnaire. La réunion de ces groupes réduits assure la préservation d’une identité politique dont l’unicité est liée justement, pour ces militants bâtisseurs, aux problématiques spécifiques de la région. La coordination de réseaux forgés dans le local apparaît comme la solution la plus adaptée pour diffuser les idées socialistes. Cette lecture des objectifs initiaux de la FSB, traduit une volonté d’éviter les rivalités internes qui correspondent à la pluralité des matrices d’un parti en construction.

L’intégration retardée des Bretons à la SFIO s’inscrit dans la volonté de proposer un autre modèle partisan, préexistant, capable de faire taire les déchirements entre chapelles socialistes, en assimilant le parti à une somme de réseaux hétérogènes/complémentaires dans leurs compositions, stratégies, idéologies. L’invention du socialisme du 20e siècle, repose avant tout sur cette capacité du parti à chapeauter et à agréger des sources socialistes d’origines multiples : syndicats, coopératives, mutuelles, groupes politiques, milieux intellectuels… Contre le modèle d’adhésion directe de réseaux locaux de la FSB, la SFIO impose une structure centralisée et départementalisée, par le haut.

Dans la FSB, les Morbihannais sont puissants à l’origine, grâce à une assise large intégrant toutes les composantes du milieu socialiste. On y retrouve les organisations ouvrières embryonnaires (syndicats influencés par les thématiques anarchistes et guesdistes), les systèmes de contre-sociétés socialistes (coopératives) et une fraction des comités républicains anticléricaux urbains.

Plusieurs figures participent de la fabrication originelle des réseaux socialistes, articulés autour des filières laïques et des sociabilités ouvrières : Baco (syndicaliste, Arsenal), Svob (coopérative), Ruggieri (Parti Ouvrier Français), Rivière (Lorient), Le Floch (Pontivy), Lessien (conseiller général de Hennebont en 1898, dirigeant FSB jusqu’en 1904)… Symbole de cette force, Lorient accueille le congrès de la FSB en 1903. Jusqu’en 1907, la coupure entre ces réseaux, liée aux conflits sociaux de Hennebont et Lorient (1903-1906), effrite l’audience socialiste dans les milieux ouvriers tandis que les républicains progressistes prennent leurs distances, à l’instar de Guieysse et Nail, compagnons de route de la FSB et parlementaires avant 1914.

La dissolution de la FSB a été prononcée au terme de longs débats lors du congrès de Saint-Brieuc (7-8 juillet 1907). L’acte de naissance de la fédération du Morbihan s’avère donc le congrès de Vannes du 15 décembre 1907, avec la création d’une petite structure (124 adhérents, dont 70 lorientais), rattachée à la SFIO. Il faut attendre 1912, sous l’impulsion de Bonneaud, Le Bourgo et Cren pour que la fédération s’étoffe, se dotant d’un journal régulier, Le Rappel du Morbihan. Réseau régional précurseur, dont le morcellement s’explique par des impératifs organisationnels, l’échec de la FSB révèle aussi le regard du national sur ce socialisme séparé, à mi-chemin entre social-démocratie intégrant une base ouvrière forte (relais syndicaux et coopératifs) et terre de mission pour des militants esseulés.

Ce décalage entre les fondations du parti socialiste en Bretagne et en France montre l’originalité des réseaux pionniers et de la culture politique portés par les socialistes. Dans une fédération à 5 départements, le parti est une composante parmi d’autres d’un socialisme pluriel. Ce parti à bases multiples constitue un lieu de rencontre et de réunion des forces militantes, vecteur des idées socialistes. Trace symbolique de la mémoire des origines, l’Union Régionale du BREIS à partir des années 70 s’apparente aussi à une instance de fabrication d’un socialisme régional. Mais depuis sa création, le BREIS oscille entre lieu d’arbitrage des stratégies partisanes, structure d’élaboration des politiques socialistes et plate-forme d’intégration des différentes têtes de réseaux militants. Sans équivalent dans l’histoire socialiste française, les réseaux socialistes bretons renouent ainsi avec leurs racines historiques : le modèle organisationnel porte une forme socialiste proche de la configuration sociale locale. Mais, en l’absence d’un modèle partisan construit publiquement, s’agit-il pour autant d’un laboratoire du socialisme du 21e siècle ?

François Prigent
Historien – Doctorant à l’Université de Rennes 2

Lectures :

Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne : de la SFIO au PS (1905-2005), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, février 2008.

Gilles Morin, “Les socialistes et la société française : milieux et réseaux (1905-1981)”, in Vingtième Siècle, n° 96, novembre 2007 (numéro spécial, les nouvelles approches sur l’histoire des socialistes).

François Prigent, “Un réseau d’un autre genre. Les femmes socialistes dans le Morbihan (1907-2007)”, in Atala, janvier 2008.

François Prigent, “Contribution à l’analyse des “laboratoires” politiques. Le modèle des réseaux socialistes bretons depuis les années 60”, conférence à l’université d’été de la Fédération PS du Finistère autour du thème, La Bretagne, laboratoire du socialisme du 21e siècle, Landerneau, 15 septembre 2007 (à paraître).

 

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