Charte des socialistes pour le progrès humain

PRÉAMBULE

Socialistes, nous sommes fiers de nos valeurs.

Nous les avons rappelées dans notre Déclaration de principes en 2008. Nées avec les idées des Lumières, les idéaux de la Révolution française et les luttes du mouvement ouvrier, elles conservent leur force : la liberté et la justice, l’égalité et la citoyenneté, la fraternité et la solidarité, la laïcité et la responsabilité, l’Europe et l’internationalisme. Indissociables de la République, ces valeurs inspirent des luttes et des lois sur tous les continents, guident notre action et donnent un sens à nos vies.

Nous inscrivons notre engagement dans le cadre européen. Nous agissons pour construire un espace politique qui incarne l’intérêt général des citoyens.

Nos valeurs sont au service du progrès humain dans toutes ses dimensions : l’émancipation individuelle, la redistribution des richesses, la préservation écologique, la souveraineté démocratique, la conquête de nouveaux droits. Les bouleversements à l’œuvre dans le monde impliquent que les socialistes reformulent leur conception du progrès face aux nouveaux défis que constituent le réchauffement climatique, des technologies inédites aux conséquences multiples, une nouvelle donne géopolitique, mais aussi l’affirmation d’un bloc réactionnaire et antirépublicain en France.

Pour que nos valeurs éclairent le nouveau siècle, nous avons un devoir de fidélité et d’inventivité.

Fidélité à ce qui est le cœur du socialisme.

Nous voulons l’émancipation. L’émancipation de la personne humaine va de pair avec l’émancipation collective. Elle conjugue autonomie individuelle et justice sociale, reconnaissance personnelle et solidarités collectives, réalisation de soi et bien commun qui commence par le respect de la planète.

Nous chérissons la démocratie. Notre vision de la démocratie représentative est exigeante. Nous renvoyons dos à dos les tentations oligarchiques et populistes. Les citoyens doivent pouvoir participer, être informés, associés, actifs. La réforme est notre méthode de transformation sociale : elle vise toujours le progrès humain.

Nous construisons l’égalité réelle. C’est d’abord dans l’aspiration à l’égalité que se forge la séparation entre la gauche et la droite. Pas d’humanité libre sans individus libérés des inégalités de situation, de revenus, de destin ! Pas d’humanité libre sans égalité entre les femmes et les hommes : le socialisme est un féminisme.

Nous croyons au progrès. Contre les idéologies du déclin, nous avons confiance en l’avenir et dans le génie humain. Pour nous, si la connaissance et la science contribuent à l’épanouissement individuel et collectif, elles doivent servir dans leurs usages à préserver la planète et à lutter contre la pauvreté, l’oppression, les préjugés, l’obscurantisme.

Nous œuvrons pour la justice sociale. Nous voulons transformer la société au service du plus grand nombre.

Nous affirmons le primat du politique sur l’économisme. Nous agissons dans le cadre de l’économie de marché. Nous agissons à tous les niveaux pour mobiliser les énergies afin de faire prévaloir l’intérêt général. Nous refusons la société de marché où tout s’achète et se vend.

Nous avons l’énergie du collectif. L’humanité s’éprouve dans l’altruisme, pas dans l’égoïsme. L’individu ne peut pas être solitaire, il doit être solidaire.

En ce début de XXIe siècle, nous devons aussi faire preuve d’inventivité.

Toute grande cause à toute grande étape de l’Histoire doit comprendre la marche du monde pour mettre en œuvre une politique désirable, réalisable, durable.

Parce qu’il veut la changer, le socialisme démocratique ne fait pas l’impasse sur la réalité. Dès 1920, nos aînés, courageux et clairvoyants, le protégèrent de la dérive totalitaire. Être réformiste, c’est agir pour rendre possible ce que nous pensons souhaitable. À l’inverse, nous récusons la réforme pour la réforme, ce risque de dérivation gestionnaire qui peut amener le « comment » à occulter le « pourquoi ». Être socialiste, c’est donner du sens à nos choix.

L’identité socialiste est vivante. Elle tient compte du contexte, mais elle doit toujours chercher à transformer le réel et servir notre projet d’émancipation : que toute personne puisse décider sa vie dans une société solidaire. Unité des finalités, pluralité des moyens, telle est notre perspective. En toute occasion et partout où ils se trouvent, les socialistes doivent dire ce qu’ils font et faire ce qu’ils disent.

Pour sortir de la crise, il faut prendre la mesure de ce qu’elle est : un changement de monde, dont l’évolution du capitalisme contemporain est une dimension qui met d’abord en péril la planète.

Ce nouveau monde a besoin des valeurs de la social-démocratie européenne et, au-delà d’elle, de toute la gauche. Il a plus que jamais besoin de notre action et de la mobilisation des forces du travail, de la création et de la jeunesse. En même temps, ce monde qui change met à l’épreuve nos solutions forgées dans le temps.

La planète atteint un point de non-retour écologique. L’accélération du réchauffement climatique est sans équivoque, sans précédent et sans conteste d’origine humaine. Avec sept milliards d’habitants – neuf milliards en 2050 – produire, consommer, se nourrir, se déplacer, maîtriser l’énergie, en érigeant la quantité en référence unique et ultime, ne sera ni viable ni vivable. Un nouveau modèle de développement doit conjuguer la reconquête du plein emploi et la prise en compte de toutes les formes de richesses, naturelles, culturelles, économiques, sociales, technologiques. Ce défi de civilisation, qui devra s’appuyer sur une nouvelle croissance, mobilisera plusieurs générations, mais il se joue maintenant.

Le capitalisme est devenu mondial et financier. Les échanges, les capitaux, les technologies, la production, les entreprises se sont globalisés tandis que les États, les législations, les syndicats, les partis sont restés, pour l’essentiel, des acteurs nationaux. La politique est défiée. Par la finance qui spécule, indifférente à l’économie réelle et au long terme. Par une minorité d’ultra-riches et de multinationales qui pratiquent la fraude fiscale et privent l’intérêt général de cette richesse cachée. Par la délocalisation de pans entiers de l’industrie et la mise en concurrence des salariés occidentaux avec les prolétaires des pays à bas coûts, qui appauvrissent les uns sans enrichir les autres.

Le nouveau monde est connecté et complexe, porteur d’espoirs et de convulsions. En Asie, en Amérique latine, en Afrique, des nations renaissent, optimistes et conquérantes, quand l’Europe vieillissante peine à s’imaginer un futur. La mondialisation a contribué au développement démocratique et économique de nombreux pays. Tout circule, les idées, l’argent, les marchandises, les individus. Laissée à elle-même, la mondialisation accroît les inégalités sous l’effet de l’urbanisation non maîtrisée, de la pression sur les zones rurales, de l’explosion du nombre de pauvres et d’exploités. Le terrorisme, qui allie désormais fanatisme, finance, technologies, armement, menace la paix du monde.

Le combat pour le progrès n’est plus séparable du débat sur ses limites.Cartographie de l’ADN, connaissance du cerveau humain, nanotechnologies, fabrication en 3D, Big Data, robotique, objets et tissus intelligents, là aussi, un nouveau monde émerge. L’espoir naît que la maladie, la famine, la pauvreté reculent. Une révolution industrielle alliant internet, biotechs et énergies renouvelables, a déclenché une course à l’innovation entre les nations qui fait des gagnants mais aussi des exclus, qui bouleverse la production et les rapports sociaux. Préserver l’humanisme, repousser l’obscurantisme et la voracité marchande sans vénérer la technique, appelle une vision du progrès fondée sur la démocratie et l’éthique.

La fragmentation du salariat fragilise la social-démocratie traditionnelle. La classe ouvrière européenne a subi plusieurs bouleversements: l’automatisation de la production, la concurrence des pays à bas coûts du Sud et de l’Est, la robotisation et la dématérialisation du travail, ainsi que l’offensive du néolibéralisme. Le rapport de force entre capital et travail s’est détérioré au détriment des salariés. Généralisé, le salariat s’est aussi différencié en catégories que distinguent leurs statuts, leurs revenus, leurs intérêts. Un précariat s’est formé : les jeunes et les femmes y affrontent plus durement encore le temps partiel, le management autoritaire, les bas salaires. Des classes sociales diffuses n’empêchent pas que les rapports de classes perdurent. Face à la rente improductive et la finance folle, ouvriers, employés de la fonction publique et du secteur privé, ingénieurs, entrepreneurs, paysans, artisans, créateurs, doivent se rassembler en une alliance des producteurs. L’entreprise est un des lieux de la création de richesses. Elle a besoin d’un double environnement favorable : celui de la puissance publique comme celui de la coopération en son sein.

L’individualisme étend son empire.Faute de perspectives collectives, l’individualisme contemporain revendique des droits sans les devoirs, ignore le long terme et l’intérêt général. Les effets sur le civisme et l’idée de solidarité sont dévastateurs. Le chômage et la précarité confortent l’attachement au pacte social : assurance chômage, sécurité sociale, éducation et santé pour tous, retraites solidaires. En même temps, la peur du déclassement, conjuguée aux doutes sur la pérennité financière de l’État protecteur et au refus croissant de « payer pour les autres », suscite la recherche de réponses individuelles aux difficultés vécues ou redoutées – le licenciement, la maladie, le vieillissement, le financement des études des enfants, etc. Les conservateurs et les xénophobes désignent des boucs-émissaires, dénoncent les « assistés » et stigmatisent les étrangers. La social-démocratie appuyée sur l’État providence se trouve affaiblie tandis que le libéralisme néo-thatchérien, qui veut démanteler le pacte social, détruit la cohésion de nos sociétés. Plus que jamais, notre vision socialiste de l’individu est celle de la République : la citoyenneté qui s’éprouve dans la fraternité.

Les grands récits hérités du XIXe siècle sont brouillés. Depuis la chute du Mur de Berlin, la représentation de la société désirable, alternative à l’ordre existant, qu’ils portaient, s’en trouve diluée, quand elle n’a pas disparu. Cette éclipse du « but final »provoque une crise de sens pour les citoyens et frappe à la source l’énergie militante. On assiste au retour de l’exploitation politique du religieux, qui ne saurait être confondue avec les religions elles-mêmes, ainsi que des idéologies adverses : le nationalisme qui se pose contre les autres, le séparatisme qui se vit loin des autres, le libéralisme économique qui va sans les autres.

La démocratie est médiatique et numérique. Nouveaux médias et réseaux sociaux modifient le débat public. La saturation des images, l’immédiateté et l’émotion, la personnalisation à outrance éclipsent l’argumentation, la prospective et l’engagement collectif. Les formations socialistes et social-démocrates sont ébranlées par cet univers qui consacre le leader plutôt que le parti, le slogan plutôt que le programme, mais aussi par les formes de participation démocratiques moins verticales auxquelles aspirent citoyens comme militants. C’est à une organisation totalement repensée que nos partis sont appelés.

Dans ce monde et dans ce moment, l’identité socialiste renouvelée est irremplaçable

Parce que le marché veut régir la vie et pas seulement l’économie.

Parce que réconcilier l’individu et le collectif, l’économie et l’écologie, la nation et l’Europe, le présent et l’éthique du futur, passe par de nouveaux compromis dont les néolibéraux et les nationalistes sont incapables.

Parce les enjeux sont mondiaux et que notre parti est internationaliste.

Parce que les forces de progrès politiques, sociales, citoyennes, ont besoin de se rassembler et de brandir un étendard. Tout dans le socialisme y invite : ses valeurs, son histoire, son nom.

Nous voulons bâtir un éco-socialisme

Le rythme actuel de l’économie et de la consommation n’est pas supportable pour la planète. Le temps presse : il n’y a pas de deuxième Terre. Un changement de modèle s’impose pour mettre en harmonie développement économique, démarche écologique et justice sociale. Le réformisme écologique s’accomplit par une transition, il sait que riches et pauvres ne sont pas égaux face aux enjeux environnementaux, il ne fait pas rimer précaution avec prévention à l’égard du progrès. Pour préserver le climat, la biodiversité, les ressources naturelles disponibles, la création d’une organisation mondiale de l’environnement sous l’égide des Nations Unies, dotée d’un pouvoir réglementaire et contraignant, est vitale. Nous travaillons à rendre l’économie fonctionnelle car l’utilisation des biens est plus importante que leur propriété ; circulaire car l’éco-conception réduit l’exploitation des ressources naturelles et le gaspillage ; positive car toute la société doit servir les générations futures. À tous les échelons, nous soutenons des plans d’investissements massifs pour la performance thermique des logements et des bâtiments. Nous agissons pour un nouveau mix énergétique qui réduit la part des énergies fossiles, limite la dépendance au nucléaire et déploie les énergies renouvelables. Pour la France qui a la deuxième surface maritime du monde, la croissance bleue est un nouvel horizon. L’agro-écologie et les industries à haute valeur environnementale, gisements d’innovations et d’emplois, doivent être encouragées par la commande publique, l’épargne, la fiscalité écologique, la finance solidaire, et prendre appui sur les entreprises et la recherche. Le principe pollueur-payeur et la maîtrise démocratique de l’eau s’imposent. Pour être durables, la mobilité doit privilégier les transports collectifs et décarbonés, et les villes garantir l’accès au logement, à la santé, aux commerces, aux transports, au numérique, en économisant l’espace et les ressources. Pour nous, l’éco-socialisme est le chemin du progrès humain.

Nous voulons humaniser la mondialisation

Au cœur des problèmes du monde, il y a le partage inégal des richesses et la souffrance endurée par les plus pauvres. Tant que l’un et l’autre perdureront, l’humanité ne sera pas elle-même ni le socialisme accompli. Réguler le capitalisme pour le maîtriser, c’est combattre les paradis fiscaux, sanctionner les territoires non coopératifs et les banques qui y mènent des transactions et dérogent à leurs obligations déclaratives, instaurer un impôt mondial sur le capital et une taxation des transactions financières dont les produits iraient au développement des pays les plus pauvres et à la préservation du climat. C’est soumettre les multinationales à la responsabilité sociale et environnementale et rendre transparente l’activité de leurs filiales à l’étranger pour qu’elles n’échappent plus à l’impôt. Nous sommes partisans du juste échange et de normes sanitaires, sociales et écologiques exigeantes dont les contrevenants, États ou entreprises, doivent être durement sanctionnés. Dans un monde qui peine à devenir multipolaire, nous agissons pour la résolution pacifique des conflits dans le cadre des Nations Unies, pour le respect des droits de l’homme, de la diversité culturelle et linguistique, dont la francophonie, pour l’abolition de la peine de mort à l’échelle internationale, pour un multilatéralisme refondé, une paix durable au Proche-Orient, la constitution d’une société civile mondiale, la solidarité avec les peuples confrontés à la faim, au manque d’eau potable, aux pandémies, aux guerres et aux catastrophes naturelles ou écologiques. Nous participons aux efforts de désarmement et de lutte contre la prolifération nucléaire. Face au terrorisme qui nie la dignité humaine et la démocratie, nous usons de la force fondée sur le droit international. Nous exhortons les dirigeants du monde à lutter contre la spéculation sur les denrées alimentaires. Nous faisons le pari de l’humanité pour organiser les migrations à l’heure où elles concernent toutes les régions du monde. Chaque nation doit prendre sa part de la misère du monde même si elle ne peut seule la recueillir tout entière. L’Union européenne et les autres puissances continentales doivent sécuriser les mobilités, combattre les réseaux d’immigration illégale, investir dans le co-développement, garantir le droit d’asile. Pour les socialistes, l’internationalisme est indispensable au progrès humain.

Nous voulons bâtir une alter-Europe

L’Europe est une construction politique unique et son modèle social est envié dans le monde entier. Par ses valeurs, sa puissance économique, son rayonnement culturel et scientifique, ses réalisations dans des domaines tels l’aérospatial, l’agriculture et l’agroalimentaire, la citoyenneté européenne ou les programmes d’échanges universitaires, elle donne aux nations qui la composent la masse critique pour peser dans un monde d’États continents. Plongée dans une crise interminable, elle décourage pourtant les peuples et réveille les nationalismes et les séparatismes. Tant qu’elle comptera vingt-cinq millions d’Européens au chômage et, dans certains pays, un jeune sur deux sans emploi, tant qu’elle ne sera qu’un grand marché innovant peu et protégeant mal, l’Europe ne renouera pas avec l’adhésion populaire. En privilégiant après le choc de 2008 le sauvetage des banques sans relance économique suffisante et sans réforme exigeante du système financier, le chacun pour soi national et l’austérité continentale, l’Union européenne s’est mise dans l’impasse. C’est pourquoi, alors que la déflation menace, relancer et réorienter l’Europe nous mobilise. Un vaste programme d’investissements et de grands travaux s’impose dans une perspective de transition écologique. Il doit soutenir la consommation populaire, notamment dans les pays qui accumulent les excédents commerciaux, et les investissements dans les infrastructures énergétiques et de transports, l’emploi des jeunes, la qualification des travailleurs. Cela doit consolider un marché intérieur fondé sur un projet partagé. Pour cela, la réduction des déficits publics, enjeu de souveraineté pour chaque État membre, doit prendre en compte le contexte économique et social. Un traité social européen organisant des convergences sociales vers le haut, en particulier dans la perspective d’un salaire minimum européen, et l’harmonisation progressive de la fiscalité doivent compléter la coordination budgétaire. Un gouvernement économique de la zone euro doit voir le jour. Démocratiser les institutions européennes passe d’abord par un Parlement aux pouvoirs renforcés et une meilleure implication des parlements nationaux dans les politiques européennes. L’Union doit porter l’égalité femmes-hommes comme un drapeau dans le monde et se montrer exemplaire en adoptant la clause de l’Européenne la plus favorisée. L’intégration communautaire doit être différenciée : les États les plus euro-volontaires doivent pouvoir aller plus vite et plus loin, au moyen de coopérations renforcées. Dans ce cadre, nous voulons une taxation des transactions financières d’un haut niveau. L’entente franco-allemande doit être à l’initiative. L’Europe est aussi la grande muette des relations internationales même si la France agit et propose. À l’Union d’assumer elle-même sa sécurité et sa défense, de promouvoir la réciprocité commerciale, de créer un axe Europe-Méditerranée-Afrique pour lequel les socialistes français et européens doivent être force d’impulsion. Dans la mondialisation, l’alter-Europe est un levier fondamental pour l’accomplissement du progrès humain.

Nous voulons l’éducation à tous les âges de la vie

L’accès au savoir, aujourd’hui comme hier, est une priorité pour les socialistes. Les inégalités en matière d’éducation, dès la naissance, ont de lourdes conséquences sociales et politiques dans des économies qui font davantage appel à l’autonomie des individus et qui seront, de plus en plus, structurées par l’usage des nouvelles technologies. Nous ne pouvons pas accepter que l’école accentue les inégalités. L’école publique demeure l’institution fondamentale de la République, où doit se transmettre et se déterminer ce que nous avons en commun, les valeurs républicaines, la culture humaniste, l’ouverture au monde. C’est pourquoi elle doit être préservée de toute violence. Poursuivre le mouvement de la refondation de l’école est donc une nécessité. Réussir l’école du socle, de l’école primaire au collège, donner une plus grande autonomie aux équipes éducatives et davantage de moyens aux territoires qui en ont le plus besoin, apprendre à maîtriser les médias numériques et garantir l’accès aux contenus, poursuivre la revalorisation de l’enseignement professionnel et technologique, réaliser une orientation efficace pour éviter l’échec universitaire, maintenir une priorité budgétaire pour l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, sont les principes clés de notre ambition éducative. L’éducation et la formation tout au long de la vie doivent être une grande cause nationale. Nous voulons mettre fin aux injustices sociales que constituent le fait que, chaque année, près de 150 000 jeunes sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification,
et qu’en France, les exclus du marché du travail ou de l’emploi qualifié sont aussi les oubliés de la formation professionnelle. L’État social du XXIe siècle, c’est celui qui imagine un compte temps-formation individualisé, sécurisé, articulant temps de travail, de transport, de vie personnelle et familiale. L’éducation continuelle fait toute sa place à l’éducation populaire et aux mouvements de jeunesse. Le progrès humain est indissociable de l’accès de tous au savoir et de l’émancipation des individus.

Nous voulons une nouvelle croissance : 

productive, qualitative, coopérative

Le socialisme articule la production de richesses et leur redistribution, à travers le salaire, la fiscalité et la dépense publique. Que l’une soit affaiblie et l’autre est amoindrie. C’est pourquoi la désindustrialisation est un drame : pour l’emploi et le pouvoir d’achat, pour le financement des collectivités locales et de la protection sociale, pour le risque de décrochage dans la mondialisation. La reconquête productive, et d’abord industrielle, est un impératif catégorique pour créer des emplois et renforcer notre modèle social, mais elle suppose de produire autrement car les ressources sont comptées et la valeur ajoutée doit être mieux orientée. Nous réaffirmons, parmi les fondamentaux d’une politique de gauche, l’objectif du plein emploi, qui permet aux individus de se réaliser et de disposer d’un revenu décent, et du bon emploi, par l’amélioration des conditions du travail (son organisation, sa répartition, sa durée, son accès) et par l’augmentation des bas salaires. Cela suppose que les droits des salariés soient renforcés dans l’entreprise et que le droit du travail les protège. Nous encourageons les entreprises, TPE, PME, ETI, grands fleurons, pour qu’elles fassent la course en tête dans la compétition internationale. En retour, nous leur demandons d’embaucher, d’investir, de former, de relocaliser des activités. La fiscalité doit favoriser le réinvestissement des bénéfices plutôt que la distribution de dividendes aux actionnaires, ainsi que la transition énergétique et numérique, l’innovation – pas seulement technologique – et le long terme. Dans les territoires, les projets collaboratifs doivent être appuyés. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire, mutualistes et coopératives, sont à encourager : leurs pratiques enrichissent toute l’économie, qu’il s’agisse de l’actionnariat salarié ou de l’excellence environnementale. De nouveaux indicateurs sont à définir pour évaluer la richesse d’un pays, mêlant critères économiques, sociaux, éducatifs, environnementaux, éthiques. À l’Europe de les affirmer au sein des instances internationales. Produire, investir, s’épanouir sont une même ambition du progrès humain.

Nous voulons une puissance publique active

Pour mettre en œuvre l’éco-socialisme et bâtir une nouvelle croissance, pour orienter et réguler le marché, une puissance publique efficace et forte, qui conjugue l’action de l’État et des collectivités territoriales, est indispensable. Afin qu’elle puisse agir pleinement, ses forces ne doivent pas être étouffées par un montant excessif des intérêts de la dette ni par des déficits paralysants. Nous plaidons pour un nouvel interventionnisme de la puissance publique, pour un Etat allié aux collectivités territoriales et d’abord aux Régions qui, sans se substituer à l’initiative privée, fixe des priorités, permet la stabilité, conçoit des instruments, apporte des financements, garantit une formation digne de ce nom, des services publics de qualité en métropole et dans les Outremers, une fiscalité favorable à l’acte de produire. Nous croyons à l’État stratège qui structure les politiques et les filières industrielles d’avenir et soutient le développement d’activités nouvelles, créatrices d’emplois de qualité et écologiquement responsables. L’État doit aussi être partenaire et mettre en mouvement la société pour mener la bataille productive, mais aussi aménager le territoire de façon solidaire et concertée, construire des logements, déployer les infrastructures énergétiques, numériques et de transports collectifs dont la France a besoin, moderniser les équipements pour l’éducation et la santé. Pour y parvenir, ses capacités programmatrices, organisatrices et d’évaluation doivent être confortées. Il lui revient d’impulser des plans d’investissements d’avenir, de mobiliser capitaux privés et capacités publiques, de participer, temporairement ou durablement, au capital d’entreprises stratégiques pour notre souveraineté et pour l’avenir. Pour nous, cette ambition doit se retrouver à l’échelon européen à travers des investissements plus massifs et des règles de la concurrence moins dogmatiques. Pour réaliser le progrès humain, les socialistes affirment la nécessité de défendre le bien commun et l’intérêt général.

Nous voulons développer et moderniser 

l’État protecteur

L’État providence est la plus grande conquête réalisée en faveur du développement humain, du partage des richesses, de l’accès du plus grand nombre au savoir, à la santé, au repos, à l’autonomie. Socialistes, nous sommes profondément attachés à l’État garant de l’égalité républicaine, nous le voulons concret – l’égalité réelle partout et pour tous – et durable – les protections collectives et les services publics doivent être assurés pour les jeunes générations. C’est pourquoi nous sommes profondément attachés à l’impôt citoyen, progressif et redistributif, contribution de chacun à l’effort collectif et à la solidarité nationale. La qualité des services publics est l’un des piliers de notre modèle républicain et un atout pour la compétitivité économique de la nation. Si nous voulons moderniser l’État social, c’est pour qu’il le reste. Toujours aussi inacceptables, les inégalités sont plus complexes qu’autrefois : face à l’institution scolaire, entre les femmes et les hommes, selon qu’on est salarié d’un grand groupe ou employé d’une PME sous-traitante, entre les territoires et en leur sein. L’État protecteur doit prévenir les inégalités, à l’école, dans l’accès aux soins, dans le monde du travail. De même, l’attention aux conditions de vie des jeunes et à leurs aspirations appelle l’attention de la puissance publique et de toute la société : c’est par exemple l’enjeu d’une allocation d’études et de formation sous conditions de ressources dans le cadre d’un parcours d’autonomie. L’État protecteur doit aussi combattre les fractures territoriales et être attentif à ceux qui ont le plus besoin de la puissance publique, dans les quartiers populaires, les zones péri-urbaines, les campagnes, les montagnes. Pour répondre aux attentes des usagers, relever le défi du vieillissement, prendre en compte le handicap, remédier à la désertification médicale et au retrait des services publics – en particulier dans la ruralité et les villes moyennes –, adapter l’action publique aux différents temps de la semaine et de la vie, à la diversité des familles, l’État social a besoin de personnaliser ses réponses avec des droits attachés aux individus et pas seulement aux statuts, décentraliser et territorialiser ses leviers d’action car la proximité est gage de solidarité et d’efficacité, simplifier ses procédures, miser sur le numérique et davantage d’expérimentation. L’État protecteur doit garantir la sécurité publique, droit fondamental pour tous les citoyens dans la République. Nous voulons aussi construire l’État social-écologique capable de répondre aux enjeux nationaux du changement climatique, l’eau, l’air, les sols, et de mutualiser les risques face aux inégalités qu’il crée ou aggrave, comme la précarité énergétique qui frappe d’abord les plus modestes. Les libéraux veulent liquider l’État social parce qu’ils ne supportent pas sa promesse d’égalité. À cet égard, la protection sociale est née de l’idée de la mutualisation du risque et se fonde sur la solidarité en particulier entre générations, où chacun contribue à proportion de ses facultés. Elle doit s’élargir à des champs nouveaux, qu’il s’agisse du risque logement ou de la prise en charge de la dépendance. L’État social, développé et modernisé, sert le progrès humain.

Nous voulons une société du bien vivre

Nous portons un projet de civilisation. Nous luttons pour l’emploi, la justice sociale, l’environnement, bien sûr, mais aussi pour une société du bien vivre. Une société où l’individu, homme et femme, peut créer, apprendre, accéder aux œuvres et aux pratiques artistiques, s’engager pour la cité. Une société bienveillante où réussir sa vie ne consiste pas à avoir tout, mais à être soi. Une société où chacun prend soin des autres et où tous prennent soin de chacun. Le socialisme est porteur d’une critique également culturelle du capitalisme, première et unique société dans l’histoire de l’humanité qui place les valeurs économiques – le profit, la concurrence – au-dessus des autres, où l’accumulation et l’hyperconsommation de biens et de services marchands définissent le bonheur. Au sommet de son échelle des valeurs, le socialisme place l’accomplissement de soi, avec et par les autres. Cette conception de la société désirable éclaire le combat historique des socialistes pour l’extension du temps libre, la démocratisation de la culture et de la connaissance scientifique, le soutien aux créateurs et à la création, la préservation des paysages et du patrimoine, la qualité du service public de l’audiovisuel. Il se poursuit par notre lutte pour la politique en faveur de la petite enfance, l’éducation artistique et sportive à l’école, l’encouragement aux pratiques culturelles, un urbanisme de qualité, le service civique à vocation sociale, éducative, écologique ou humanitaire, le déploiement de l’Internet à très haut débit. Le combat pour les droits réclame une volonté politique continue : qu’il s’agisse des droits de l’enfant, de l’égalité effective entre les femmes et les hommes, de la lutte contre les discriminations dont sont notamment victimes les homosexuels, de la dignité de chaque personne au terme de sa vie. Les socialistes engagés pour le progrès humain refusent la colonisation par le marché des biens communs universels que sont le corps humain, l’accès à l’eau, la biodiversité, le climat, les œuvres de l’esprit, les droits humains fondamentaux, les données personnelles sur le Net.

Nous voulons la République toujours recommencée

Les socialistes sont profondément, passionnément républicains. Résultat de deux siècles de combats et de conquêtes pour affirmer la souveraineté du peuple, la République est d’abord sociale. Elle nous rassemble, par-delà nos différences. Ce sont des valeurs, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, mais c’est tout autant un principe, qui leur donne corps : la lutte contre les inégalités et les injustices. C’est le sens de l’intégration. Il doit n’y avoir qu’une loi qui s’applique à tous sans distinction : le repli communautariste est contraire aux valeurs de la République. Dans une société riche de sa diversité, nous avons besoin d’une communauté de valeurs et de principes. La laïcité est au fondement du vivre-ensemble démocratique, sa force intégratrice et émancipatrice est immense. Elle sépare la politique du religieux pour rassembler toute la population dans la garantie partagée de mêmes droits et devoirs. Les croyants et les non-croyants ont les mêmes droits d’expression. La laïcité fait de l’État le protecteur de la liberté de conscience de chacun, avec l’idée que c’est à chaque individu de décider de ses croyances religieuses ou de ses convictions philosophiques. C’est donc un modèle respectueux des religions qui a pour ambition, au-delà d’une coexistence des convictions, de permettre dialogue et compréhension. Toutes les religions ont la capacité de s’inscrire dans ce cadre commun – la religion musulmane comme les autres, contrairement à la stigmatisation mise en œuvre par l’extrême droite et la droite extrémisée. La République est toujours un objectif à réaliser, son véritable universalisme est d’accepter de résoudre ensemble les questions qui se posent à toute société. C’est cette conception généreuse et ouverte de la République, intégrant les traditions historiques qui font la France, qui définit fondamentalement notre conception de la nation. La République combat par toutes les forces du droit, du savoir et de la citoyenneté le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, ainsi que les discriminations de genre ou d’origine sociale. Pour les socialistes, la République est le cœur battant du progrès humain.

Nous voulons la démocratie accomplie

Les démocraties traversent une crise de confiance profonde : l’action humaine peut-elle modifier le cours des choses face au marché, aux inégalités, au défi climatique, et faire advenir une société digne, juste, durable ? L’abstention traduit ce désenchantement qu’exploitent les démagogues. C’est pourquoi la cause de la démocratie mobilise les socialistes. En renouant avec l’esprit public, les individus pourront s’émanciper, l’intérêt général prévaloir, le futur être préservé. Une démocratie rendue plus représentative y aide, avec des institutions rééquilibrées en faveur du droit d’initiative et de contrôle du Parlement, une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale, la parité effective, la diversité d’origines et de parcours respectée, le non cumul des mandats couplé à un véritable statut de l’élu, le référendum d’initiative populaire facilité. Une démocratie vivante, c’est aussi une démocratie plus transparente avec l’exemplarité et l’honnêteté pour impératif catégorique, qu’il s’agisse de lutter contre les conflits d’intérêts ou de réduire l’influence des lobbies. Vivante, la démocratie où la justice est indépendante et l’information pluraliste, où les libertés sont respectées et les prisons humanisées, où la société civile est active et les lanceurs d’alerte sont protégés. Nous voulons que les citoyens participent à la vie collective : le droit de vote des étrangers aux élections locales, les forums civiques, l’écoute des associations, les budgets participatifs, les outils du numérique, doivent le permettre. Pour nous, la démocratie est aussi sociale, territoriale, prospective : davantage de reconnaissance et de pouvoirs pour les salariés, les associant mieux à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, améliorent le partage de la valeur ajoutée et la compétitivité ; des collectivités territoriales associées, à l’organisation clarifiée et aux ressources dynamiques rendent la puissance publique plus proche et plus efficace ; des politiques publiques systématiquement évaluées pour mieux se tourner vers la préparation de l’avenir renouent avec le temps long qui transcende les intérêts particuliers. Enfin, la démocratie vivante est tempérante : elle rejette la violence des mots et des comportements, elle affirme le primat de la raison et de l’argument. Vouloir le progrès humain, c’est vouloir la démocratie.

Nous, socialistes, à l’issue de nos États généraux organisés en 2014, année où nous célébrons l’œuvre et la vie de Jean Jaurès assassiné il y a un siècle, nous adoptons la Charte de notre identité.

Elle est notre référence collective. Elle nous rassemble, éclaire nos débats et oriente notre action. Elle est une indispensable contribution au rassemblement de la gauche et des écologistes, comme le dit notre Déclaration de principes. Elle est le socle fondamental de notre identité politique pour le peuple français et les peuples du monde. Elle est l’emblème dont peuvent se saisir les femmes et les hommes qui refusent que la pensée et la planète soient livrées à l’égoïsme, au fatalisme, aux fanatismes.

L’humanité aspire à de nouvelles Lumières.

Elles justifient le progrès humain autant qu’il les fonde.

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