Maxime Picard - Premier secrétaire fédéral
Je n’étais pas Rocardien.
Et pas plus Mitterrandien, d’ailleurs.
Ou alors j’étais les deux. Et ceci me valut quelques déboires tant il fallait, surtout chez les jeunes socialistes, être l’un ou l’autre. Difficile d’avouer être fasciné par le réformisme de l’un et le volontarisme de l’autre.
François Hollande écrivait en 1995 : « la première gauche ne voulait plus, la deuxième ne pouvait plus. » C’est à ce moment que j’ai rejoint la famille socialiste, coincé entre une gauche de la volonté privé de son volontarisme et une gauche du possible à bout de souffle.
Lionel Jospin puis François Hollande tentèrent et réussirent à réconcilier ces deux traditions, et le Parti Socialiste, non sans ambiguïté parfois, traça sa route.
Il reste donc le souvenir de Michel Rocard. Aucun homme politique de son niveau ne consacra autant de temps au débat avec les jeunes militants. Je suis de ces jeunes socialistes des années 90 qui eurent droit aux interventions du camarade Michel aux universités d’été du MJS à La Rochelle. À chaque fois, il nous embarquait pour deux heures dans les méandres de ses analyses sur l’Europe, souvent, le temps de travail, la social-démocratie, ou toute digression dont il avait le génie.
Il fallait s’accrocher pour tout comprendre, tout suivre, mais là n’était pas l’essentiel. Michel Rocard était passionnant parce que passionné, parce que « cash », sans concession. Michel Rocard, perdait le sens du temps, partait dans une fulgurance ou s’égarait dans un délire, dévorait le temps attribué aux autres intervenants de sa table ronde. Personne ne s’en plaignait, cela faisait partie du show
Au-delà de ces anecdotes, Michel Rocard pensait le socialisme, sans nostalgie, sans céder aux modes passagères, aux étoiles éphémères. Ils ne sont plus beaucoup à pouvoir en dire autant.
Je n’étais pas rocardien, certes, mais j’aimais Michel Rocard.