Discours de Loïg Chesnais-Girard,
Président du Conseil régional de Bretagne
Mes cher-e-s collègues,
Si mes premiers mots sont des mots de remerciement pour la confiance que vous me faites en m’élisant Président du Conseil régional de Bretagne, mes premières pensées vont d’abord à Corinne Erhel.
Elle avait fait son entrée dans l'hémicycle dès 2004, puis réélue en 2010 et 2015 en menant la liste dans les Côtes d'Armor.
Corinne Erhel était une militante de la Bretagne. Elle avait encore beaucoup à lui donner et à nous donner. Elle s’inscrivait dans la lignée de Pierre-Yvon Trémel et d'Alain Gouriou.
Son décès brutal, en pleine réunion publique, alors qu’elle défendait ses idées nous laisse orphelin.
Orphelin de son engagement pour son Trégor, pour ses valeurs,
Orphelin de sa franchise, de sa sensibilité, de sa passion,
Orphelin de sa compétence et de son efficacité,
Orphelin de son sourire.
Je vous demande, mes cher-e-s collègues une minute de silence en son hommage.
… / …
Je vous remercie.
Mes cher-e-s collègues, votre confiance m’honore. Elle m’oblige et me donne de la force. Je mesure en m'installant à cette place toute la responsabilité que vous me confiez et qui est désormais la mienne, celle de présider à l’avenir de notre région, de la Bretagne.
A cet instant, je veux remercier mes proches, ma famille qui a su m’accompagner depuis ce jour de 1995 où j’ai eu l’honneur d’être élu conseiller municipal de Liffré. Je pense à chacun d’eux, qu’ils soient ici, bloqué à l’hôpital ou malheureusement parti.
Je pense aussi aux liffréennes et liffréens qui ont été les premiers à me faire confiance et à cette équipe municipale à laquelle je reste fidèle.
Mes cher-e-s collègues, je veux dire aux élu.e.s de l’opposition qu’ils trouveront toujours avec moi un interlocuteur respectueux, à leur écoute, engagé pour que la démocratie régionale soit exemplaire.
Je veux dire aux élu.e.s de la majorité que mon élection est d’abord la leur. Elle s’inscrit dans le cheminement mutuel que nous suivons depuis les dernières élections régionales et au cours duquel j’ai pu mesurer l’engagement de chacun d’entre vous au service des bretonnes et des bretons.
Mes cher.e.s collègues, notre diversité est une richesse. A nous de la préserver et de la faire vivre dans l’intérêt du débat démocratique. Je fais le voeu que sur certains grands sujets nous puissions même porter l’intérêt des bretons plus fort que celui de nos appartenances. Vous me trouverez toujours pour rassembler et rendre la Bretagne forte.
Enfin, dans ce moment si particulier, comment ne pas évoquer aujourd’hui mes deux prédécesseurs.
Cher Pierrick Massiot, j’ai eu l’honneur d’être ton Vice-président. Tu as incarné une force tranquille à la bretonne. Tu as été présent et assumé sans faillir les responsabilités dans une période de tempêtes économiques et sociales. Je me souviens notamment d’un certain discours prononcé avec sincérité et fermeté devant un premier ministre d’alors. Tu parlais de l’avenir de la Bretagne et pointais certaines incohérences nationales … Nous étions dans la salle avec plusieurs ici présents et nous avons alors ressenti une immense fierté. Pierrick, pour tout cela merci.
Cher Jean-Yves Le Drian, je ne pensais pas que ces quelques RTT prises en juillet 2009 pour me rendre à Tokyo avec toi pour promouvoir l’économie liffréenne changerait autant ma vie ! J’ai cru prendre un billet pour le Japon, c’était en fait un billet pour la Bretagne. Aller à Tokyo pour s’ancrer en Bretagne, ce n’est pas banal !
Merci pour ta confiance, tes conseils, merci d’avoir rendu possible cette belle aventure débutée il y a 8 ans.
Ton engagement pour la Bretagne depuis tant et tant d’années est exemplaire et reconnu. Tu as toujours su aller au-delà des considérations politiciennes pour trouver les consensus, bâtir les solutions, bref fonder et servir l’intérêt général de la Bretagne. Ce travail a fait de toi un homme respecté et aimé.
Le temps n’est pas celui du bilan de ton action pour la Bretagne car elle se poursuit là où tu es, comme Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Une nouvelle responsabilité qui s’inscrit dans ton action ministérielle depuis 5 ans qui a fait de toi l’un des ministres les plus populaires pour les français.
Tu as la force des hommes du matin si bien décrit par Xavier Grall et nul doute qu’à l’heure où tu quittes le mandat de Président, nous ressentons tous une fierté d'avoir été à tes cotés pour participer à une page de l’histoire de la Bretagne.
Pour clore cette séquence des remerciements, permettez-moi de remercier les hommes et les femmes de l’ombre. Ceux qui m’ont permis dans ma vie professionnelle de pouvoir assumer mon mandat.
Mais aussi à ceux qui servent l’administration régionale. Je veux leur dire, Monsieur le directeur général des services, quels que soient leur tâche et leur responsabilité, que leur rôle est essentiel pour les élus que nous sommes. Je sais pouvoir compter sur leur loyauté et leur engagement.
À l’occasion des élections présidentielles et législatives, les français ont fait le choix du renouvellement. Les partis qui structuraient notre vie politique depuis la fin des années 70 ont été écartés sèchement du pouvoir par les électeurs. Cette nouvelle tectonique des plaques politiques ne doit pas nous faire perdre de vue nos valeurs car ce sont elles qui fixent notre horizon et ce sont elles qui restent quand l’élection est passée. Pour comprendre, il faudra du temps, il faudra de la sincérité et il faudra du courage.
Je félicite l'ensemble des députés bretons élus dimanche dernier et même avant ….. cher Paul et bien entendu ceux qui aujourd'hui siègent parmi nous. Bravo à vous, la tâche est immense et j'espère que nous trouverons le chemin pour travailler ensemble car la Bretagne attend beaucoup.
Cher.e.s Collègues, la Bretagne aura un rôle à jouer dans les débats démocratiques qui ne manqueront pas de s’ouvrir prochainement car la Bretagne est bien plus qu’une région : c’est une certaine idée du progrès, de la démocratie, de l’engagement, du partage. Il y a une permanence de la Bretagne qui dépasse les conjonctures politiques et cette permanence a une source, c'est le sentiment d'appartenance qui nous unit au delà de nos différences.
Chaque breton a sa vision de sa Bretagne, son attachement quasi intime avec un lieu, une odeur, des couleurs, un accent. Mais chaque breton a aussi en lui un « Gwen a du ». Notre identité est un alliage qui nous rassemble et nous renforce. Par notre capacité à la faire vivre et évoluer, la Bretagne est un espoir. A nous de le savoir, de l’entendre et de le faire savoir.
La Bretagne est populaire, elle appartient à tout le monde, elle est rassemblement, elle est aussi confrontation. Les débats et les querelles ne manquent pas et c'est heureux, car la démocratie c'est le débat. Mais forte est notre capacité de dépasser nos querelles dès que l'intérêt majeur de la Bretagne est en jeu.
L’identité bretonne est toujours un sujet de réflexion et d’écriture. Quand Renan Luce chante « mes racines » ou Denez Prigent chante avec un rappeur de New York, c’est que cette identité qui ouvre les portes et les fenêtres est furieusement d’actualité.
Elle est aussi une arme pour rester soi-même tout en répondant aux mutations qui nous traversent, pour être authentique tout en épousant son temps.
Disons le franchement : notre région va changer profondément dans les 10 ans qui viennent.
La robotisation, l’intelligence artificielle, l’arrivée de la vente en ligne sur tous les produits, y compris les produits frais, les attentes en matière de bien-être vont bouleverser notre façon de produire et singulièrement dans l’agroalimentaire.
Les débouchés seront autant en ligne en quelques clics que chez l’épicier de centre-ville. Le travail sera profondément modifié. Comment ne pas voir la rapidité parfois violente des mutations économiques, la volonté pour beaucoup de ne plus vouloir dépendre d’une hiérarchie jugée souvent lourde et dépassée, l’envie aussi de changer de vie de plus en plus souvent, d’entreprendre, la fin de certains métiers du fait de l’automatisation des tâches rendues plus faciles par le numérique et l’essor de nouveaux que nous ne connaissons pas aujourd’hui et qui, pourtant, seront ceux de nos enfants.
Plus que jamais, nous aurons besoin de nouvelles solidarités entre ceux qui réussissent et ceux qui cherchent encore leur voie, entre les aînés et les plus jeunes, entre ceux qui ont les fonds et ceux qui n’ont que leur ambition.
Comment ne pas voir aussi l’envie de plus d’écologie, de modes de vie plus respectueux de la planète et des autres, de plus d’énergies vertes, de nouvelles mobilités, de nouvelles formes de tourisme.
La liste serait longue. Les craintes sont réelles et il faut les entendre. Mais le message que je veux faire passer aujourd’hui, c’est que la vocation de la Bretagne n’est pas de subir toutes ces transformations mais de les anticiper, d’être en pointe dans les réponses à apporter et ainsi les retourner à notre avantage.
C’est le coeur du projet qui a été validé en décembre 2015. Ce projet est la feuille de route que j’entends mener, il est celui qui fonde une majorité et une opposition. Il sera respecté et poursuivi avec optimisme et sérénité comme nous le faisons depuis 18 mois mais je n’hésiterai pas à l’enrichir autant que nécessaire pour répondre aux transformations et réussir la construction de cette Nouvelle Bretagne qui s’annonce.
Pour réussir cela, je vous propose trois défis :
1 - Mettre la démocratie et la proximité au coeur de l’action régionale pour et avec les bretonnes et les bretons,
2 - Faire de l’audace et de la création, notre état d’esprit permanent.
3 - Et enfin, dépasser notre périphéricité et nos fractures territoriales.
La démocratie et la proximité sont pour moi l’essence de la régionalisation par les actes. C’est être au plus proche des citoyens et des usagers de nos services publics régionaux. La volonté de mettre les bretons au coeur de l’action régionale n’est pas nouvelle. C’est le résultat de la réorganisation territoriale issue des textes. Un résultat certes encore incomplet pour nous mais qui permet tout de même des avancées. La régionalisation que nous défendons depuis tant et tant d’années, c’est désormais au plus près des citoyens que nous pouvons la gagner. Je suis persuadé que la décentralisation est un mouvement inéluctable car il en va de la démocratie. Si nous réussissons à faire de notre collectivité, une collectivité de proximité appréciée et respectée, nous aurons alors fait avancer d’un pas de géant la place de la Région, du fait régional dans notre démocratie, et en fait plus globalement de la démocratie.
Nous ne manquons pas de lieux pour débattre avec la société civile et les corps intermédiaires. Je pense en premier lieu au CESER avec lequel je souhaite que nous poursuivions cet enrichissement mutuel, je pense au Conseil culturel. Mais il nous faut franchir une étape supplémentaire pour ne plus hésiter à travailler en direct avec les citoyens. Je souhaite que le Conseil régional soit à l’initiative de nouvelles méthodes de concertation, par exemple en utilisant autant que de besoin les nouveaux outils numériques qui permettent de mener des consultations simples et larges.
Il nous faut aussi construire notre relation à l’usager, du jeune qui cherche une formation au retraité abonné de nos TER en passant par le chef d’entreprise qui veut investir et l’artiste qui veut s’exprimer. Nous devons imaginer et créer ce lien direct, comprendre leurs besoins, leurs attentes, en faire des partenaires de notre action. D’autres acteurs excellent dans ce lien avec les personnes : je pense aux Google, Facebook et aux géants du web. Osons nous inspirer de la façon dont ils fonctionnent, collaborons si besoin, car sinon, ils auront l’exclusivité demain du lien aux citoyens ce qui ne sera pas sans poser de nouvelles questions démocratiques.
Mes cher-e-s collègues, le deuxième défi que je vous propose c’est celui de l’audace et de la création.
Xavier Grall, Per Jakez Helias, Per Denez, Angela Duval aujourd’hui Miossec, Yan Tiersen, Yelle, Didier Squiban, Yvon Le Menn, Alan Stivell et tellement d’autres ont fait et font de la Bretagne une terre de création. L’ancien Vice-président à l’économie que je suis pourrait citer aussi une liste d’entrepreneurs qui en moins d’une génération ont bâti des empires industriels, ont fait de la Bretagne une région industrielle, et portent haut la Marque Bretagne à l’international. Je pourrais bien entendu citer aussi les agriculteurs, les pécheurs qui créent et innovent depuis toujours pour rester compétitifs.
Les bretons ne manquent pas d’audace, d’envie de créer.
On dit les bretons têtus mais c’est simplement parce qu’ils n’aiment pas être enfermés dans des cases. Ils ont une région à 4 départements, ils en revendiquent 5.
On leur dit qu’ils auront une LGV après tout le monde, ils sont premiers ex- aequo sur la ligne d’arrivée. Si je parle de culture et d’économie, ce n’est pas par hasard. Nous avons sur notre territoire l’habitude de combiner les deux et j’en veux pour preuve le succès unique en Europe d’une initiative comme Produit en Bretagne. Cette force de l’audace et de la création, ce n’est pas la puissance publique qui peut la décréter, ce sont d’abord les acteurs eux-mêmes. Par contre elle peut jouer un rôle d’accompagnement, d’ensemblier des acteurs. Je propose ainsi que nous fassions de la future Fondation de Bretagne, un levier puissant au service de la création. Elle regroupera des donateurs privés et publics, elle sera missionnée pour soutenir quelques projets sur quelques thèmes précis. Et je propose que son premier chantier, une fois créé, soit la filière cinématographique pour que la Bretagne prenne une place européenne à la hauteur des qualités artistiques qui lui sont reconnues dans ce domaine.
Enfin, je vous propose le dépassement.
Le dépassement de notre périphéricité. Je ne serai pas le Président de Bretagne à grande vitesse, cher Jean-Yves Le Drian, c'est déjà fait grâce à toi, mais je veux être le Président de ce que nous en ferons tout comme je veux être le Président des usages qui feront de Bretagne Très Haut Débit un formidable outil d’aménagement, de développement économique, d’invention de nouveaux services publics.
Ces deux grands projets d’infrastructures, pionniers en France, doivent maintenant devenir des projets d’accélération du développement économique et de l’emploi et de renforcement de notre attractivité et de notre cohésion. Le succès de notre campagne d’attractivité « passez à l’Ouest » montre que nous sommes sur la bonne voie pour réussir ce défi. Je serai le Président du rassemblement et du partenariat permanent avec ceux qui partagent notre conviction que la Bretagne est plus forte quand elle est réunie, soudée autour d’objectifs commun qui transcendent nos relations institutionnelles.
Je vous propose aussi de dépasser nos oppositions entre l’Est et l’Ouest. Elles sont anciennes, elles sont ancrées dans un soupçon de crainte, dans une forme de tradition, elles touchent autant à la culture qu’à l’économie, elles font couler beaucoup d’encre.
Ces dernières années, j’ai pu constater la force de tous les territoires de Bretagne, la richesse des 21 partenariats avec les pays, la réalité des 59 intercommunalités. Je veux lutter contre la peur de l’hégémonisme et contre le piège du défaitisme. On est toujours le petit de quelqu'un et on a surtout toujours quelque chose à dire, à faire valoir. Chaque territoire a ses armes. Mon rôle est de donner les moyens à chaque breton, à chaque territoire pour mener ses projets et engager les nécessaires transitions. Il n’y a pas de règles uniformes dans le développement, de recettes miracles, chacun peut trouver son chemin, sortir des lisières et gagner des batailles. Quand les victoires sont collectives, qu’elles transcendent les situations locales, elles sont encore plus belles.
Enfin, comment parler du dépassement de notre géographie sans parler de l’Europe. Je crois que les régions seront demain les interlocuteurs de l’Europe comme je crois que les intercommunalités seront demain les interlocutrices de la Région. La Bretagne a une histoire à poursuivre avec l’Europe et avec les régions d’Europe. Je souhaite que nous relancions des partenariats stratégiques avec quelques régions d’Europe sur des thématiques précises : les énergies marines, la cybersécurité, l’alimentation, la culture, les langues, la formation.
A l'heure du doute européen je vous propose le contraire, l'avenir passe par l'Europe que nous bâtirons ! Soyons moteur d'une relance et acteurs dans les futurs débats qui s'enclenchent dans cette Europe du post-Brexit.
Mes cher-e-s collègues,
J’ai confiance en la Bretagne pour relever les défis qui s’imposent à nous et j’aurai besoin de vous pour réussir.
Comptez sur mon ambition, comptez sur mon enthousiasme, comptez sur mon énergie !
La Bretagne était là avant nous, elle sera là après nous.
A nous de la servir à la hauteur de ce qu’elle mérite.
Vive la Bretagne !
Evive la Bertègn !
Bevet Breizh !
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