L'Europe de la défense existe. Le hic c'est qu'elle ne correspond pas à la défense de l'Europe. L’article 42 du traité sur l’UE est d'ailleurs clair : l'Europe de la défense « respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ».
La concurrence de l'OTAN
Le 1er argument expliquant les difficultés de bâtir une véritable Europe de la défense est la différente perception des menaces par chaque État. Il est compliqué de créer une défense commune si l’on n’appréhende pas les menaces de la même manière. La France, par exemple, a défendu le fait que la situation dans le Sahel était préoccupante pour la sécurité en Europe. Elle a eu toutes les peines du monde à en convaincre l’Allemagne. Les pays de l’Est expliquaient, eux, que la menace la plus préoccupante était la Russie. De même, lorsque la France invite les membres de l’UE à développer l’Europe de la défense, ceux-ci ne manquent pas de répliquer qu’il existe déjà un organisme chargé de défendre le territoire européen : l’OTAN. Ils ne voient dès lors pas l’intérêt de créer un autre outil. Ce parapluie américain a d’ailleurs l’avantage de les exonérer partiellement de l’effort financier de défense. Enfin pour beaucoup de ces pays, le lien avec les États-Unis est primordial et ils ne comprennent d’ailleurs pas le désir de la France de vouloir faire de l’Europe une puissance. Ils la soupçonnent même de vouloir faire de l’UE une extension de la puissance française.
En décembre 2017 a été adoptée la PESCO c’est-à-dire la possibilité pour les États de l’UE de constituer des coopérations renforcées en matière de défense. Si l’idée originelle visait à permettre à un noyau dur d’avancer plus rapidement, l’accord du 11 décembre 2017 concerne 25 États membres réunis dans plusieurs projets multinationaux. Dans ces conditions, on voit mal comment l’Europe de la défense avancerait davantage, sachant que d’authentiques adversaires d’une vraie Europe de la défense, comme la Pologne, y sont parties.
Des opportunités dans le domaine industriel
A ces difficultés politiques, s'ajoutent des difficultés d'ordre opérationnel. En effet, les doctrines militaires des pays divergent grandement. Rien de commun entre l'armée allemande, dont les règles d'engagement sont très restrictives, et la France capable d'entrer en première sur un théâtre d'opérations comme au Mali. Seule la Grande-Bretagne avait un modèle proche de la France au sein de l'UE.
Les avancées réelles en la matière vont être possibles dans le domaine industriel comme le montre les rapprochements des industriels KMW et Nexter. S'agissant du domaine naval, le rapprochement entre Naval Group et l'italien Ficantieri est en bonne voie. En matière de défense, la politique des petits pas est assurément la plus efficace. Faire des plans sur la comète est le plus sûr moyen de noyer un projet qui est nécessaire pour l'avenir de l'Europe.
Kevin Alleno
En complément :
→ Ce qu’est l’Europe de la défense. Ce qu’elle n’est pas, Nicolas Gros-Verheyde, Blog Bruxelles 2, 7 novembre 2018