Forough Salami : « Je tiens trop à l’Europe pour la laisser s’abîmer dans un processus d’autodestruction »

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Vice-présidente à la Région Bretagne, Forough SALAMI est candidate sur la liste Envie d'Europe. Elle nous livre son regard sur le projet européen et l'enjeu de ces élections.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis vice-présidente au Conseil régional de Bretagne, en charge de l’Europe et de l’international. Une fonction que j’assume avec d’autant plus de passion que j’ai toujours été animée par la conviction que le rayonnement futur de notre région dépendra de sa capacité à s’ouvrir sur le monde. Dans l’histoire, la tentation du repli sur soi a toujours été un poison pour la Bretagne – elle ne s’épanouit que dans l’échange, le dialogue avec autrui. Tel est le moteur de l’action que je mène en tant que vice-présidente sous l’autorité de Loïg Chesnais-Girard : contribuer à bâtir des passerelles qui relient notre région à la planète entière, du Pays de Galles à l’Australie méridionale, car un maillage dense de partenariats et de coopérations constitue aujourd’hui, pour toute collectivité, une plus-value absolument décisive. En un mot, l’union fait la force, plus encore en ces temps de mondialisation des échanges économiques et culturels.

Est-ce ce souci d’ouverture au monde qui explique ton engagement sur la liste européenne conduite par Raphaël Glucksmann ?

Je viens de dire que l’union fait la force – c’est aussi la devise de l’Union européenne… Je suis fière de représenter la Bretagne sur la liste Envie d’Europe. C’est une région où le sentiment d’appartenance européen a toujours été particulièrement développé. Européens, les Bretons le sont, par intérêt certes, car ils savent combien l’Union, par exemple, a contribué au développement de leur agriculture et de leur pêche. Mais ils le sont aussi par conviction, car ils ont pleinement conscience qu’aucun des grands enjeux vitaux auxquels nos sociétés sont aujourd’hui confrontées – changement climatique, sécurité, politique migratoire, protection sociale – n’a d’autre réponse qu’européenne. En Bretagne plus qu’ailleurs, on a compris que l’option du retranchement derrière de mythiques frontières étatiques prétendument infranchissables se révèle tout à fait illusoire.

Si l’Europe est la solution, pourquoi se porte-t-elle si mal aujourd’hui ?

Elle est pour une large part responsable de ce qui lui arrive aujourd’hui, et si les égoïsmes nationaux refleurissent sur notre continent, c’est avant tout de sa faiblesse, de ses carences, de ses reniements qu’ils se nourrissent. L’idéal des pères de l’Europe, d’un Jean Monnet, d’un Robert Schumann, c’était celui d’un espace politique où règneraient la paix et la prospérité. Leurs successeurs en ont fait un espace technocratique, tatillon jusqu’à l’absurde, régi suivant les règles de la concurrence libre et non faussée et obéissant aux seules lois du marché. A qui la faute ? Il est dans l’usage de jeter la pierre à Bruxelles et à ses hauts fonctionnaires. Mais c’est omettre que l’Europe, telle qu’elle fonctionne ou telle qu’elle dysfonctionne aujourd’hui, n’est en dernier ressort que le fruit d’une succession de compromis frileux entre Etats membres, et que ceux-ci, soucieux de défendre leurs intérêts nationaux, n’ont jamais souhaité qu’elle soit autre chose qu’une machinerie administrative complexe et désincarnée.

Le constat que tu dresses est extrêmement sévère…

Je suis tout à fait consciente de ce que l’Europe, en dépit des évidentes défaillances de son modèle institutionnel, apporte aujourd’hui aux territoires de l’Union. A titre d’exemple, les divers fonds qu’elle va affecter à la Bretagne sur la période 2014-2020 représentent près d’un milliard d’euros. Elle constitue un puissant levier, absolument irremplaçable, de développement pour notre région. Pour autant, son manque d’incarnation démocratique et certains des choix idéologiques qu’elle a pu opérer ces dernières décennies, en pleine conformité avec la doxa ultralibérale dominante, ont contribué à l’affaiblir dangereusement, à tel point que l’on peut aujourd’hui se demander si elle ne flirte pas avec l’abîme.

En ce qui me concerne, je tiens trop à elle pour me satisfaire de ce qu’elle est devenue. Je tiens trop à elle, au-delà, pour la laisser s’abîmer dans un processus d’autodestruction qui, n’en doutons pas, ferait par la même occasion sortir de l’histoire l’ensemble des Etats membres de l’Union. Tirons les leçons ce qui est actuellement en train de se passer au Royaume-Uni : qui peut sincèrement croire qu’à la suite du Brexit, nos amis britanniques se préparent les lendemains qui chantent ?

Comment en conséquence sortir de l’impasse où nous nous trouvons ?

L’Europe est clairement à la croisée des chemins, et l’élection de mai 2019 revêt une importance cruciale, sans équivalent sans doute depuis 1979. Dans ce contexte, l’alternative ne doit en aucun cas être entre partisans du statu quo et partisans de la table rase – en d’autres termes entre celles et ceux qui considèrent que l’Union, dans son fonctionnement actuel, donne globalement satisfaction, et celles et ceux qui, au contraire, plus ou moins ouvertement, veulent l’abattre. Si la complaisante mise en scène dans le débat français de cette confrontation totalement surjouée entre libéraux-conservateurs et nationalistes-populistes profite objectivement à ces deux forces politiques, elle est aussi une véritable catastrophe pour l’idéal européen auquel j’adhère. C’est parce que je ne veux ni d’une Union intergouvernementale et technocratique, ni d’un retour au souverainisme national étriqué et belliqueux du XIXe siècle que je me suis engagée sur la liste conduite par Raphaël Glucksmann. Pour défendre un autre projet européen, social, écologique et protecteur. Pour concrétiser ce beau rêve d’une Europe humaniste, au service exclusif de ses citoyens, qui porte avec fierté ses valeurs émancipatrices.

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