L’historien Benjamin Stora a été chargé en juillet 2020 par le Président de la République de « dresser un état des lieux juste et précis » sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Ce rapport a été rendu le 20 janvier 2021. Il dresse dans ce rapport 22 recommandations pour continuer le travail sur « un passé qui ne passe pas ». Ce rapport fait suite àl’ouverture progressive des archives sur la guerre d’Algérie. 59 ans après la fin de la guerre, les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie restent profondément marquées par les enjeux mémoriels de la colonisation et de la guerre.
« Ni excuses, ni repentance ». Les mots sont lâchés. C’est pourtant une question cruciale dans nos rapports. Peut-on accepter les actes du passé sans s’excuser ? Si en 2017, Emmanuel Macron scandait « le crime contre l’humanité » pour qualifier la colonisation, sa position est aujourd’hui bien plus modérée. Comme dans toute guerre, les horreurs sont des deux côtés. La différence est qu’un pays, la France, cherche à maintenir sa domination sur un territoire et l’autre, l’Algérie, cherche à s’en défaire. « L’enjeu n’est pas de comprendre ce qui s’est passé mais d’avoir eu raison dans le passé. » écrit B. Stora. La guerre d’Algérie reste un sujet si ce n’est tabou, du moins sensible. L’expression même de repentance ne va pas sans faire penser à un imaginaire religieux qui coince. L’Algérie attend pourtant ces excuses. Même 60 ans après, difficile de travailler sur les mémoires quand celles-ci sont encore aussi vives et douloureuses.
Si il n’y a eu aucune réaction officielle d’Abdelmadjid Tebboune, des historiens algériens et des journalistes se disent déçus d’un rapport qui cherche davantage à se débarrasser de la question qu’à regarder l’Histoire dans sa complexité. Le travail de mémoire est nécessairement subjectif. Dans ce cas, il lie la France et l’Algérie et leur passé commun. Raphaëlle Branche a publié en 2020 « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » Enquête sur un silence familial. Cet ouvrage montre que le rapport Stora ne marque que le début d’un long travail qui devra se faire AVEC l’Algérie. Ce travail doit se faire dans la coopération pour éviter une guerre mémorielle ou une définition communautaire des mémoires.
Derrière la question des mémoires, c’est aussi l’avenir des relations franco-algériennes qui se joue. Après l’omerta doit venir le temps du dialogue. C’est un devoir pour la France. C’est un devoir pour l’Algérie. C’est un devoir qui doit se faire pour des relations diplomatiques plus sereines.
Sarah Joron