Il y a quelques semaines, la bonne nouvelle tombait enfin, après des mois d’attente angoissée : Loujaïn Al-Hathloul était libérée de son calvaire dans les geôles saoudiennes.
1001 jours et 1001 nuits de détention
Cette militante des droits humains, et particulièrement de l’émancipation des femmes dans son pays, était emprisonnée après avoir été enlevée aux Emirats arabes unis par le régime saoudien. Son crime : défendre le droit des femmes saoudiennes à pouvoir conduire une voiture. Rendue célèbre par ses vidéos où elle défiait le pouvoir avec facétie en conduisant, elle était devenue pour le régime le symbole gênant de jeunes femmes bien décidées à s’émanciper de l'odieux patriarcat wahabite.
Dans les prisons saoudiennes, Loujaïn Al Hathloul a subi des tortures, du harcèlement sexuel avec des menaces régulières de viol pendant près de trois ans. Malgré ces épreuves, elle a résisté. La justice saoudienne l’a finalement condamnée pour terrorisme, lui infligeant une peine de prison que recouvrait, avec le sursis, la durée de sa détention illégale. Libérée, mais affaiblie, elle a pu retrouver sa famille. Mais elle demeure prisonnière en partie dans la mesure où elle est interdite de sortie du territoire saoudien pendant cinq ans. Loujaïn étant un symbole d’émancipation dans un pays où le fondamentalisme religieux et la soumission de la femme constituent l’idéologie officielle, sa famille craint qu’elle ne soit, d’ici là, la cible d’un assassinat.
Symbole de courage et détermination
Les analystes présument que cette libération, loin d’être le fruit de la mansuétude du régime, a été décidée pour envoyer un signal positif à l’administration Biden. Le régime avait d’ailleurs des raisons de craindre ses positions puisque les Etats-Unis viennent d’accuser Mohammed Ben Salmane, le fils du roi et homme fort du régime, de l’assassinat de Jamal Kashoggi.
L’exemple de Loujaïn Al Hathloul nous rappelle plusieurs choses. La première est que la lutte pour le droit des femmes est un combat universel. Le second, c’est qu’il y a un certain nombre de militantes et de militants des droits humains qui se battent contre l’intégrisme religieux dans le monde arabe et subissent ses foudres. On pense notamment à Raif Badawi qui, lui, est toujours détenu dans les prisons saoudiennes.
Loujaïn Al Hathloul a passé 1001 jours et 1001 nuits dans les prisons saoudiennes. Et si ce qu’elle a vécu ne participe clairement pas du prestige du Moyen-Orient contrairement aux aventures de Sheherazade dans le conte légendaire, son exemple amène lui de l’espoir en constituant une figure inspirante utile à la cause. Sheherazade, dans les 1001 nuits, incarne l’intelligence, la ruse et la bonté. Loujaïn Al Hathloul est, elle un modèle de détermination et d’abnégation. Avec son sourire lumineux, Loujaïn Al Hathloul symbolise le courage, le besoin d’émancipation et finalement l’espoir qu’un jour les femmes disposent des mêmes droits que les hommes, même en Arabie Saoudite.
Kevin Alleno
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