LIVRE / Les métaux rares : un problème écologique et géopolitique

Le livre de Guillaume PITRON, journaliste au Monde diplomatique et au National Geographic, a quelque chose de dérangeant. La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique nous explique en effet que ces deux domaines, essentiels au XXIème siècle, ont en réalité un coût écologique gigantesque.

Des énergies vertes dépendantes des métaux rares

Guillaume PITRON, grâce à des enquêtes de terrain opérées sur plusieurs années et à travers le monde (Chine, Etats-Unis, Afrique du sud, notamment), nous dévoile les conditions effroyables sur le plan humain et environnemental dans lesquelles sont extraites les métaux rares. Ceux-ci, incontournables dans la confection de nos ordinateurs, portables mais aussi les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries de voiture électriques, sont très énergivores. En effet, agglomérés en faible quantité avec d’autres roches, les métaux rares sont séparés au prix d’une débauche d’énergie (donc de CO2) énorme avec, en prime, une certaine radioactivité dès lors qu’ils sont agglutinés originellement avec des matières radioactives comme l’uranium ou le thorium. Pour donner une image du défi qu’ils constituent, Guillaume PITRON compare avec le pain. Lequel est constitué essentiellement de farine, d’eau mais aussi de levures et d’une pincée de sel. Et bien nous dit PITRON, extraire les métaux rares de la roche et les isoler, c’est comme retirer la pincée de sel du pain après cuisson. Les déchets issus de ce processus d’extraction vont bien souvent polluer en métaux lourds les paysages autour de ces mines, la plupart du temps les cours d’eaux, attaquant la santé des populations environnantes en plus de celle des personnes travaillant dans les mines. Dès lors que l’on prend le cycle de vie des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries de voiture électriques, dans son entier, selon Piton, la transition énergétique apparaît tout de suite un peu moins écologique. Si l’on prend le seul aspect du CO2, donc du réchauffement climatique, le nucléaire (qui pose bien sûr d’autres sérieux problèmes) serait un outil plus fiable. L’ADEME, dans un rapport de novembre 2019, relativise toutefois la présence de terres rares dans les éoliennes et les batteries électriques de voiture, notamment en France. Ainsi, ce sont surtout les projets d’éoliennes en mer qui contiennent des terres rares. Il existe donc des éoliennes, des batteries électriques et des panneaux solaires sans terres rares.

Le quasi-monopole de la Chine, une dépendance stratégique problématique

Guillaume PITRON explique que les pays occidentaux, face aux dégâts environnementaux (et aux pressions de la population alentour), ont préféré délocaliser ces industries et donc la pollution. Le problème c’est que la Chine produit une grande partie des métaux rares, et davantage encore de terres rares, composants essentiels aussi dans la fabrication des armes modernes. Autrement dit, la Chine a le pouvoir d’arrêter à tout moment l’acheminement de produits essentiels à la défense de notre pays, mais aussi au monde numérique et aux nouvelles énergies renouvelables. C’est une arme stratégique majeure dont jouit l’Empire du Milieu. Cela montre aussi à quel point les pays occidentaux ont cessé de penser le long terme. C’est une nouvelle illustration, après le scandale des masques, du danger de l’idéologie du flux tendu préférée à la constitution de stocks dans des domaines stratégiques.
À celles et ceux qui seraient déprimés et frappés d’un soudain fatalisme à cette lecture, voici quelques pistes d’espoir. Sur le plan géopolitique, le quasi-monopole chinois n’est pas une fatalité. Si elle détient sur son sol l’immense majorité des terres rares notamment, d’autres existent ailleurs, encore inexploitées. La France, grâce à son espace maritime exceptionnel, comprend un certain nombre de ces ressources dans ses fonds marins. Le seul hic étant son exploitation pour le moment d’un point de vue technique mais aussi environnemental.
Ensuite, sur le plan écologique, il y a d’autres pistes que l’éolien ou les voitures électriques. Il y a notamment l’hydrogène qui est une source d’énergie propre. Il y a aussi, même s’il n’est qu’au stade de la recherche, la fusion qui, lorsqu’elle sera maîtrisée, procurera une énergie propre et quasi infinie. Enfin, on peut aussi évoquer les potentialités ouvertes par la découverte du dernier prix Nobel de physique français : Gérard MOUROU. L’application de ses recherches fondamentales pourraient déboucher à terme sur un laser qui réduirait la radioactivité de centaines de milliers d’années à 30 minutes. Bref, les potentialités ouvertes par la science permettent de conserver un certain optimisme qui ne doit pas, pour autant, nous inciter à de ne pas entreprendre d’efforts en matière de transition.

En complément :

Avec le laser, "On peut réduire la radioactivité d'un million d'années à 30 minutes" Gérard Mourou, prix Nobel de physique, par Benoît Tonson, The Conversation

L'avenir de l'énergie, c'est la fusion nucléaire, Slate, 2017

→  L'hydrogène est-il vraiment l'énergie du futur?, Hayat Gazzane, Le Figaro, 14 décembre 2017 

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