En mai, Jean-Michel Blanquer présentait sa réforme sur l’enseignement professionnel en France, soit environ 665 000 élèves l’année passée.
L’objectif annoncé est clair, « faire de l’enseignement professionnel, des filières attractives ». Jusque-là rien qui pourrait choquer, l’enseignement professionnel est en pleine dynamique de démocratisation. Le regard porté sur les filières professionnelles change à tous les niveaux : enseignants, parents et élèves. Le ministre, dans sa présentation va plus loin, puisqu’il affirme vouloir « dépasser l’opposition entre apprentissage et formation professionnelle », c’est pourtant le sentiment qu’il donne lorsqu’on regarde concrètement sa réforme.
Vers une déprofessionnalisation des filières ?
L’objectif de la réforme de créer du lien entre apprentissage et filière professionnelle est une conséquence inavouée de la réforme de l’apprentissage voulue par le ministre Blanquer. Le passage par la branche va à terme avoir un impact sur les CFA et pour faire face à l’afflux d’effectifs d’apprentis dans certains secteurs, les lycées professionnels seront mis à contribution. Mais ils n’auront pas les moyens humains et financiers de gérer cette arrivée massive. Et le ministre reste assez flou sur qui va financer ce besoin ?
De plus, dans la structure même du lycée professionnel, on remarque une volonté de retarder la professionnalisation de l’élève. La seconde ne serait plus qu’un espace de triage entre apprentissage et voie professionnelle. Elle deviendrait pour ceux qui arriveraient à décrocher un contrat, une voie de préparation pour devenir apprenti. Ceux qui restent auraient donc une spécialisation en fin de seconde et donc un an de moins pour obtenir un diplôme « spécialisé ». La valeur du diplôme serait donc, aux yeux des recruteurs, plus faible.
L’apprentissage est loué par le gouvernement actuel comme la voie d’insertion royale. Pour autant la filière est ultra sélective et bien qu’elle mérite qu’on y attache plus d’importance, ne doit pas s’opposer aux filières professionnelles.
La culture générale mise en retrait
A cette opposition entre apprentissage et lycée professionnel, on peut ajouter une autre critique à cette réforme, la place des enseignements dit de « culture générale » dans les formations professionnelles. La part d’enseignement général est condamné à baisser dans les trois années de formations, si les volontés ministérielles doivent être respectées. Deux enseignantes de ces matières avancent le chiffre de « 13 % » d’heures de moins en Lettres et Histoire sur trois ans, et « 16 % » de Mathématiques en moins [1]. Lorsque l’on doit déconstruire le discours d’internet et des réseaux sociaux sur de multiples sujets, cela est incompréhensible. La formation des élèves en professionnel ne doit pas former des jeunes « au rabais ».
Loïck Mercier
[1] Tribune de V. Durey et E. Johsua « Blanquer porte le coup de grâce à l’enseignement professionnel », Libération, 8 juin 2018