Retraites : Une réforme qui suscite des inquiétudes

Le projet de réforme des retraites dont la concertation a démarré il y a six mois sous l’égide de Jean Paul Delevoye, désigné Haut-commissaire par le président de la République, inquiète nos concitoyens. Alors que le projet de loi est programmé pour 2019 et serait repoussé après les européennes de mai prochain, les premières grandes orientations sont désormais connues et font actuellement l’objet d’une concertation décentralisée, en complément des séances de travail du Gouvernement avec les principales centrales syndicales.

Une réunion de concertation à Lorient

Lorient a accueilli le mardi 18 septembre dernier, en journée, l’un de ces ateliers de concertation consacré notamment aux droits familiaux et conjugaux. Sur la méthode, préparer la prochaine réforme avec une assemblée composée pour les trois quarts de personnes déjà retraitées pose question. Les professionnels des 42 régimes de retraite, principales et complémentaires composaient l’autre quart. À 35 ans, j’étais de loin la plus jeune participante sélectionnée par la préfecture et l’équipe du Haut-commissariat.

Dès le démarrage, l’inquiétude des retraités présents portait sur le fait qu’ils soient concernés ou non. Lors de l’introduction, ils ont pu être rassurés sur ce point dans un contexte où bon nombre des retraités présents relataient leur perte de pouvoir d’achat lié à la hausse des cotisations de la CSG. Il a aussi été indiqué que les personnes devant partir dans les 5 années à l’issue de la promulgation de la future loi ne seraient pas impactées. Cette réforme, de façon à répondre au mieux aux cas particuliers, devrait s’appliquer sur une durée de 5 à 10 ans.

Un système perçu comme inégalitaire

Néanmoins, l’abandon du système actuel, complexe et perçu comme inégalitaire (notamment entre femmes et hommes ou entre public et privé), pour un système dit universel suscite beaucoup d’inquiétudes dans la population. Les plus jeunes générations, allant jusqu’aux quadragénaires ne croient plus au système actuel et disent même avoir perdu toute confiance en notre système de solidarité et de redistribution, alors qu’ils ont connu le chômage de masse, l’accès au premier emploi difficile et leur insertion compromise. De plus, ils sont rentrés bien plus tardivement que leurs parents et grands-parents sur le marché du travail malgré l’obtention d’un niveau d’études et de qualification nettement plus élevés. Cette réforme doit aussi répondre à un impératif qu’est l’adaptation au marché du travail actuel et aux carrières de moins en moins linéaires des actifs. La moitié de la génération née en 1973 et qui prendra sa retraite en 2035 aura connu au moins une période de chômage au cours de vie professionnelle qui s’en suit souvent d’une période de reconversion professionnelle. Les actifs changent de métier plus souvent qu’auparavant, fruit de l’évolution du monde du travail, marqué lui aussi par des changements majeurs : développement des activités d’autoentrepreneurs, ubérisation, robotisation, adaptation et mobilités etc.

Le système actuel par répartition garantit que les cotisations soient immédiatement utilisées pour verser les pensions mais malgré les réformes déjà entreprises, dont celle sur le recul de l’âge légal, l’évolution démographique et l’allongement de la vie compromettent son équilibre à long terme. La piste d’un système par capitalisation, où chacun constituerait sa propre épargne retraite en plaçant son épargne serait écartée mais la possibilité de souscrire à une retraite dite facultative serait conservée. Les comptes notionnels, mis en place en Suède par exemple, reposent quant à eux sur une individualisation des droits à la retraite et conduiraient mécaniquement à une baisse du niveau des pensions.

Vers un système à points

L’actuel gouvernement s’orienterait donc vers un régime qualifié de plus universel, par points acquis, qui permettraient de garantir la valeur des droits. Ce système est déjà en place pour les 3 régimes suivants : IRCANTEC (contractuels des fonctions publiques), AGIRC et ARRCO. Ce régime universel verrait les 42 caisses de retraite fusionner et acterait définitivement la fin des régimes spéciaux. Il est donc légitime de s’inquiéter sur les modalités de gouvernance de ce futur régime universel et du devenir des salariés de ces caisses.

Des socialistes devant être fermes sur leurs valeurs et force de proposition

Socialistes, nous devons garantir le principe de solidarité, notamment envers ceux qui ont connu des accidents de la vie : précarité, sous-emploi en temps partiel subi, familles monoparentales, handicap, maladies. Pour plus de justice, le principe de contributivité doit être sacralisé : « à carrière égale, retraite égale ». Les inégalités actuelles ne peuvent perdurer, notamment celles qui ont pour conséquence que les femmes perçoivent une retraite 30% inférieure en moyenne à celles des hommes. L’enjeu de l’Égalité professionnelle est important pour que les salaires s’harmonisent à compétences égales et que les inégalités liées au plafond de verre ne perdurent plus. Nous devons aussi défendre le principe de solidarité qui doit être encore plus fort envers les personnes ayant perçues des salaires bas tout ou partie de leur carrière.

En matière de réforme des retraites, laissons à Mélenchon et ses troupes, qui veut faire des retraites « la mère des batailles » le monopole de la caricature et du dogmatisme et favorisons le débat pour faire avancer nos contre-propositions. Maintenons la garde et soyons vigilants, cher-e-s camarades, plus que jamais nous devons clarifier nos positionnements sur le sujet, porter nos idées dans la société mais aussi prendre toute notre part pour faire vivre la démocratie sociale aux côtés des syndicats.

Annaïg LE MOËL-RAFLIK


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Ont participé à ce numéro :

Kevin ALLENO (Lanester), Émilie DERRIAN CHATARD (Lorient), Sophie HANSS (Lanester), Sarah JORON (Lanester), Jaqueline LANGELIER (Port Louis), Annaïg LE MOËL-RAFLIK (Lanester), Gaëlle LE STRADIC (Lorient), Loïck MERCIER (Questembert), Norbert MÉTAIRIE (Lorient), Jean-Louis MILÈS (Larmor),  Estelle PICARD (Lorient), Arnold RACINE (Lorient)

En complément :

Réforme des retraites : le gouvernement avance points à points, Article de Lilian Alemagna, Libération, 11 octobre 2018

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