Les conditions de travail dans les hôpitaux et les services de santé se sont considérablement dégradées depuis la mise en œuvre de la tarification à l’acte décidée sous Nicolas Sarkozy. En effet, cette tarification a engendré de fait une course aux actes dans le but de financer les services donc une augmentation d’activité mais sans augmentation de moyens humains.
L'hôpital entreprise : une perte de sens pour les personnels soignants
Il s’est donc opéré des effets pervers dans la prise en soin du patient qui est devenu client et moyen de financement. Des actes « inutiles » ont fait leur apparition afin de garder l’activité au top puisque le simple maintien de la dotation financière d’un service dépend de la cotation d’actes.« Inutiles » signifiant pour les soignants un manque de sens dans leur travail auprès des malades et une perte de repères dans les priorités, parfois même une prise en charge altérée voire nocive.
Quelques exemples* :
Demander un scanner pour un patient en phase terminale d’un cancer avec de nombreuses métastases osseuses (impliquant des douleurs à la moindre mobilisation) 3 heures avant son décès. Le médecin, peut-être honteux d’avoir mis son serment d’Hypocrate de côté, a argumenté un motif médico-légal. C’était plutôt pour coter un acte mais pour le patient, c’était surtout inutile et douloureux.
Autre exemple : Poser un Pace maker à un patient qui n’en a pas besoin avec un médecin bredouillant un motif préventif. En réalité, il en fallait un certain nombre avant la fin de l’année qui approchait pour garder le service doté des mêmes moyens que l’année précédente et il n’était pas encore atteint.
Nous pourrions démultiplier les exemples, mais on comprend vite que tous les soignants qui n’y ont aucun intérêt comme les médecins ou les administratifs puissent être malheureux dans cette spirale infernale. Le plus malheureux étant que ni les patients ni les soignants n’y trouvent leur compte dans cette spirale infernale. Ces actes peuvent être source de souffrance pour les patients comme les soignants. Leur réalisation est cependant rendue presque nécessaire au simple maintien des moyens de fonctionnement des services, sans bénéfices financiers pour ceux qui acceptent de «s’abaisser» à les faire. Notons que nos hôpitaux paient des médecins diplômés non à soigner mais à coter scientifiquement les actes pour chaque patient afin de faire entrer de l’argent à l’hôpital…
Une logique comptable absurde au détriment de l'humain
On nous avait pourtant vendu une meilleure prise en charge globale du patient. Mais nous sommes tous perdant et les soignants sont épuisés de cette perte de sens dans leur travail, cette absence de temps et d’attention auprès des patients et de leur entourage en faveur d’actes inutiles et de papiers à remplir pour justifier notre activité dont découlent les moyens qui nous seront alloués. Cette charge de travail a augmenté sans cesse, autrement dit plus d’actes sur une file active plus grande et toujours de moins en moins de temps pour l’humain.
Dans cette organisation paradoxale, prétendument pragmatique, peu de place est laissée à l’écoute du patient pourtant essentielle au diagnostic et à la bonne gestion des traitements (en particulier prise d’antalgique ou d’anxiolytique). Tout ce temps qui apaise, rassure, n’est pas comptabilisé, pas coté. Ce qui aux yeux des financiers ne semble pas important. Ce temps de bien-être est considéré comme du confort, du luxe aujourd’hui, il ne rapporte rien aux services. Il se raréfie par des contraintes budgétaires.
Les soignants doivent accompagner les patients dans leurs souffrances, leurs maladies, être avec leur famille mais aussi gérer le budget du service, nécessité pour maintenir la capacité du service à soigner.
On n’a pas su retirer le positif de ce système qui s’est imposé à nous. Rien de bon pour le patient maltraité, ni pour le personnel administratif débordé, ni pour le personnel soignant à bout, en manque de sens engendrant des arrêts qui coûtent cher à tous, ni pour les comptes de la sécurité social, des tas d’actes coûteux ayant pu être évité.
Quel avenir humaniste voulons nous ? Quelle prise en charge de l’humain dans son ensemble ?
* L'anonymat, des soignants et personnels ayant témoigné pour cet article tout comme les services en question, est préférable.