Rappeler que l’extrême droite en France séduit toujours plus aurait quelque chose d’un peu redondant, voire même lassant, si l’on n’abordait pas réellement les fondements de ce succès sur le fameux « échiquier politique ». Parlons-en d’ailleurs de cet échiquier car nous sommes en train de perdre la partie. La partie ; ce n’est pas d’abord la conquête du pouvoir c’est avant tout la conquête idéologique. Et des idées, ils en ont. Bien que la qualité de celles-ci soit discutable, le fait est qu’elles séduisent. Mais alors pourquoi ?
La quête d’un âge d’or fantasmé
Après la Première Guerre mondiale, la nostalgie de la Belle Époque avait déjà permis aux différentes factions/ partis d’extrême droite de conquérir les cœurs. Aujourd’hui la nostalgie de la Belle Époque est de retour ; mais laquelle ? Difficile à dire dans la mesure où ils prônent le retour à une France idéale et idéalisée sans jamais situer précisément dans l’histoire cette période de référence. Mais des raisons d’en avoir marre de la société, d’angoisser sur son avenir il y en a. Alors être nostalgique d’une France où tout allait bien ça fait forcément rêver. Et nous, Françaises et Français nous avons besoin de rêver et l’extrême-droite joue là-dessus. Elle devient ce qu’était le communisme après la Seconde guerre mondiale : une échappatoire, un projet ambitieux, un modèle alternatif. Si nous voulons rêver, eux se nourrissent de la misère, de la déception, de la difficulté du quotidien. Alors oui c’est facile, mais ça marche.
Un discours qui essaime sur la détresse des gens
Il y a bien sûr des personnes qui partagent les idéologies racistes, homophobes et intolérantes du parti mais il y a surtout des gens qui cherchent des coupables et des héros. Les immigrés apparaissent ainsi comme des coupables faciles et les membres du parti se dessinent, et même se rêvent, en héros. Armés de leurs glaives et de leurs boucliers, ils prennent les armes pour sauver nos « patriotes français » de la misère. On en vient donc à se demander : si nous étions nés autre part, dans une autre famille ou dans un autre contexte, aurions-nous aussi succomber à la tentation ? Rajoutez à cela une petite touche de patriotisme et d’anticapitalisme, mélangez et vous obtiendrez le filtre d’amour parfait. Or l’amour rend aveugle comme dit le vieil adage et en effet l’extrême droite vous bande les yeux en vous laissant plonger dans le fantasme qu’elle vous a vendu.
A nous, dès lors, de nous lever pour rendre la lumière à ces oubliés, ces délaissés, ces maltraités ; pour leur dire que la solution n’est pas dans l’extrême. Certes, les solutions miracles n’existent pas et nous ne pouvons pas promettre un monde parfait. Nous pouvons, en revanche, considérer les gens, leur porter de l’attention, les soutenir, être solidaires entre nous, ne pas nous plonger sur nos petits malheurs et simplement être ensemble car le seul rempart à la haine… c’est l’amour.
Sarah Joron
En complément :
→ Face aux populismes : réparer les imaginaires nationaux, Note de Stéphane Rozès pour le Think Tank L'Aurore, 21 novembre 2018
→ Européennes : dictionnaire des droites populistes et radicales, Note de Jean-Yves Camus pour la Fondation Jean Jaurès, 21 mai 2019