Loi Travail : Malgré sa main tendue, le Gouvernement est contraint d’engager sa responsabilité

Communiqué du Parti Socialiste

Le Gouvernement vient d’annoncer son intention d’engager sa responsabilité sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

Comme l’avait demandé le Parti socialiste, ce texte avait fait l’objet d’une large réécriture et de nombreuses modifications durant la phase de concertation ouverte avec les organisations syndicales, patronales et de jeunesse.

Ce projet rééquilibré a ainsi reçu l’assentiment des syndicats réformistes suite à la prise en compte de leurs demandes sur des dispositions comme la barémisation des prud’hommes, l’encadrement des licenciements économiques, le temps de travail des apprentis, le renforcement du CPA… Parallèlement des mesures fortes ont été annoncées pour favoriser l’accès à l’emploi et la lutte contre la précarité des jeunes.

Depuis, d’autres avancées ont été inscrites dans le projet de loi, à l’initiative du rapporteur Christophe Sirugue, afin d’obtenir un compromis permettant de rassembler largement.

Le Parti socialiste remercie Christophe Sirugue pour le travail qu’il a mené afin de parvenir à un compromis. Il regrette que celui-ci, accepté par le Gouvernement et voté à une écrasante majorité du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ne permette pas de garantir un vote unanime des parlementaires de la majorité.

Dans ces circonstances et alors même que les modifications demandées sur le texte ont été prises en compte, le Gouvernement est contraint d’engager sa responsabilité.


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Tribune de Christophe Sirugue, Rapporteur du projet de loi.

L’examen du projet de loi Travail génère de nombreux commentaires ou tribunes et c’est bien légitime eu égard aux conditions particulièrement calamiteuses du démarrage de ce texte. La concertation a fait défaut, les explications ont laissé à croire que le code du travail participait du débat sur la création d’emplois alors que ce n’est pas sa vocation. On peut aussi regretter qu’il ait fallu attendre la mobilisation de milliers de personnes pour que les choses changent.

Le premier texte, non officiel mais néanmoins diffusé dans la presse, comportait des mesures inacceptables. Je l’ai clairement dénoncé en son temps. Il en était ainsi, par exemple, de la prédominance de la décision unilatérale de l’employeur, du plafonnement des indemnités prudhommales, du périmètre et des critères de définition de la dégradation économique d’une entreprise, de la qualification pour motif personnel d’un licenciement pour refus d’un accord offensif, de la généralisation du forfait jour ou de la modification du temps de travail des apprentis.

Comme toujours dans ce genre de situation, il y a ceux qui dénoncent sans jamais rien proposer et ceux qui choisissent de s’atteler à la tâche.

Le rôle du parlement, la responsabilité des députés

M’atteler à la tâche est le choix que j’ai fait après avoir obtenu l’assurance qu’une vraie coconstruction législative serait possible entre le Gouvernement et le Parlement. Et je peux attester que cela a été le cas et continue à l’être. On ne peut pas à la fois dénoncer des institutions qui brideraient les députés, notamment ceux de la majorité et qui les acculeraient inévitablement à soutenir coûte que coûte le Gouvernement, et refuser aux parlementaires de participer réellement de l’évolution des textes.

Ce projet de loi est nécessaire car il serait quand même incroyable de considérer que la situation d’aujourd’hui est satisfaisante et qu’elle ne mérite pas que les parlementaires œuvrent pour une réforme du code du travail. Le développement de l’individualisation du monde du travail, l’émergence de nouvelles formes d’emplois qui ne relèvent ni du salariat ni d’un statut d’indépendant, l’intrusion importante des outils du numérique confondant vie professionnelle et vie privée ou encore plus grave, le débat endémique du chômage qui concerne beaucoup trop de nos concitoyens nécessitent que nous nous préoccupions aussi des relations employeurs-employés.

L’examen d’un texte amendé

Aussi, à la veille de l’examen en séance publique du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, il me paraît légitime de d’apporter des éclairages sur le texte issu de la commission des Affaires sociales et qui servira de support à nos débats, d’autant plus qu’il a été profondément modifié. Cela évitera, je l’espère en tout cas, à certains d’exprimer des positions sur des aspects qui ne sont parfois même plus dans le texte. Cela participera aussi d’une information légitime du plus grand nombre.

Le texte venu à l’initiative du gouvernement devant la commission des affaires sociales me semblait déséquilibré sur deux aspects : la non prise en compte de la différence entre petites et grandes entreprises et, la nécessaire prise en compte de la relation employeurs/salariés trop axée en faveur des premiers.

Prendre en compte les spécificité des entreprises

L’honnêteté veut de reconnaître que la vie d’une entreprise ne se déroule pas de la même manière selon que l’on parle d’un artisan, d’un chef de TPE ou PME ou du responsable d’un grand groupe. Les commissions des affaires économiques puis des affaires sociales ont ainsi intégré une différenciation entre les tailles d’entreprises pour adapter la durée en trimestres du constat d’une situation économique et financière difficile. Quatre trimestres de difficultés en référence à la même période de l’année précédente, c’est la mort certaine d’une petite entreprise qui ne bénéficie souvent ni de la trésorerie, ni de l’accompagnement bancaire dont peuvent se prévaloir de grands groupes. Il fallait en tenir compte.
Nous avons aussi souhaité mettre en place un service public de l’accès aux droits pour les chefs d’entreprises associant les services de l’Etat, et les chambres consulaires pour assurer leur accompagnement. Dans le même esprit, et parce que beaucoup des litiges reposent sur des vices de forme, il a été proposé que l’administration puisse attester de la bonne foi d’un employeur dans ses démarches, sans que cela ne vaille pour autant rescrit, mais permette au juge d’en tenir compte. Nos travaux ont également permis d’inscrire la possibilité pour les artisans et TPE PME, de provisionner pour contentieux y compris en dehors d’un risque avéré, en limitant bien sûr les sommes ainsi immobilisées. Enfin, nous avons souhaité sécuriser l’exonération de cotisations Urssaf pour les avantages et cadeaux accordés par un employeur à ses salariés.

Équilibrer la relation entre employeur et salariés

Pour rééquilibrer le texte entre employeurs et salariés, des évolutions ont déjà été inscrites dans le texte du gouvernement venu devant la commission. Par amendements, nous avons aussi introduit beaucoup de données nouvelles.

Ainsi, la possibilité de décision unilatérale de l’employeur a été retirée du texte. Le barème de plafonnement des indemnités prudhommales ne s’impose désormais plus et servira exclusivement de référence pour les juges. Avec la même volonté, nous avons mis fin à la généralisation du forfait jour et annulé les modifications prévues pour les apprentis et les astreintes. Ce sont ainsi des points très lourds qui ont été retirés du texte.

Nous avons aussi souhaité supprimer la qualification de licenciement pour motif personnel d’un salarié refusant un accord offensif en retenant la logique d’un licenciement individuel pour motif économique, ce que le gouvernement s’est engagé à compléter avec un droit à l’accompagnement.

La création de droits nouveaux pour les salariés

Par ailleurs, il est peu dit dans le débat public que ce texte créé aussi des droits nouveaux pour les travailleurs de notre pays.

Un meilleur accompagnement tout au long de sa carrière professionnelle

Il en est ainsi avec le Compte Personnel d’Activité, qui permettra d’assurer la portabilité et la fongibilité de ses droits acquis au cours de sa carrière. Chacun sait que le risque de ne pas faire l’ensemble de sa carrière dans la même entreprise est de plus en plus présent. Le CPA permettra de conserver des droits acquis dans une précédente entreprise. Le CPA fonctionnera aussi comme un accès unique aux droits sociaux du salarié, employé ou indépendant. Il permettra également de renforcer le conseil en évolution professionnelle et d’élargir le financement par le compte personnel de formation, inclu dans le CPA, à l’ensemble des actions d’accompagnement à la création d’entreprises.
Ce compte personnel d’activité contient donc le compte personnel de formation, le compte pénibilité et un compte d’engagement citoyen valorisant, par exemple, l’implication associative. Il a été étendu aux retraités. Et il devra encore être étoffé, comme cela a été proposé dans le texte par renvoi aux négociations des partenaires sociaux.
Un effort significatif est fait avec l’extension à partir du 1er janvier 2018 du Compte personnel de formation à de nouveaux publics parmi lesquels, les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales, des professions non salariées, et à leurs conjoints collaborateurs.

Des engagements en faveur des jeunes et des personnes sans qualification

La généralisation de la garantie jeunes est un engagement du Gouvernement transcrit dans ce texte. Il s’accompagnera d’un droit nouveau : celui à l’accompagnement vers l’autonomie et l’emploi. Cet accompagnement pourra prendre la forme d’un parcours contractualisé conçu avec l’Etat, en donnant droit à une allocation modulable en fonction de la situation de l’intéressé.
Cet effort de renforcement de la formation est aussi assuré en direction des personnes sans qualification avec la mise en oeuvre d’un capital formation pour les jeunes décrocheurs et pour les demandeurs d’emploi peu qualifiés dont les droits à la formation passeront de 24 heures à 40 heures chaque année.

Un droit à la deconnexion

Autre droit nouveau, celui de la reconnaissance à la déconnexion. L’évolution des outils numériques est venue profondément bouleverser l’organisation du travail. Les travaux de la commission des affaires sociales ont permis d’abaisser le seuil de 300 à 50 salariés à partir duquel une charte définissant les contours de ce droit à la déconnexion doit être élaborée. Par ailleurs une expérimentation sera lancée sur un an quant à la question du bon usage des messageries. Enfin le texte de loi prévoit le lancement d’un travail sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liés à l’utilisation des outils numériques.

La reconnaissance de nouvelles formes d’emplois

Pour la première fois, c’est également ce texte qui assure une reconnaissance des travailleurs des plateformes. L’article définit le principe de la responsabilité sociale des plateformes. Ainsi désormais, les travailleurs concernés auront une assurance, un doit à la formation professionnelle, à la VAE mais aussi aux droits sociaux.

Le renforcement des congés payés

C’est ce projet de loi qui assure également le renforcement des droits à congés payés avec deux mesures fortes. La première consiste à permettre aux salariés de prendre leurs congés payés dès leur embauche et donc sans période de latence. Et, en cas de licenciement y compris pour faute lourde, les congés payés acquis ne seront pas perdus.
Sur les congés maternité, la période de protection contre le licenciement pour les mères à l’issue de leur congé maternité est porté de 4 à 10 semaines. L’extension de cette période s’applique aussi au second parent ainsi qu’aux parents adoptants.
Enfin sur les congés pour évènements familiaux, ils passent de 2 à 5 jours en cas de décès d’un enfant et la durée d’ancienneté de deux ans requise pour ouvrir droit au congé de proche aidant est d’ordre public et non plus renvoyée à la négociation collective.

La protection contre le travail détaché

Des droits nouveaux, ce sont aussi ceux que l’on développe pour protéger les salariés français face à la concurrence organisée par le travail détaché. Un titre entier du projet de loi oblige à la transparence et renforce le contrôle et la sanction des entreprises qui y auraient recours en dehors du droit. C’est une attente formulée depuis longtemps qui est ainsi satisfaite dans des secteurs comme le bâtiment fortement soumis à cette concurrence. Elle placera la France au premier rang des pays européens en terme de législation sur le contrôle du travail détaché.

La Médecine du travail

Le texte tient également compte des difficultés importantes de la médecine du travail. Il ne s’agit pas de gérer la pénurie mais de répondre au constat de postes créés mais non pourvus parce que soumis eux aussi à la pénurie de praticiens. Sur 20 millions d’embauches par an, seuls 3 millions donnent lieu à une visite médicale d’embauche. Parce que personne ne peut se résoudre à voir dépérir la médecine du travail, les propositions faites consistent à réserver la visite médicale avec le médecin aux personnes qui occupent des emplois à risque et à permettre pour tous les autres, une visite assurée par des équipes pluridisciplinaires bien évidemment placées sous l’autorité du médecin du travail.

Des évolutions à apporter en séance

Enfin bien sûr il reste des débats en discussion qui donneront lieu encore à des évolutions dans l’examen en séance qui s’ouvre à partir du 3 mai.
Au premier rang de ceux-ci sera débattue la question du périmètre d’examen de la situation économique et financière de l’entreprise pour justifier des licenciements économiques. Fixé au niveau France dans le texte actuel, il convient de redonner au juge la possibilité de remonter l’analyse à l’intérieur du groupe au-delà des frontières nationales.
Le renforcement des accords d’entreprises, possibles exclusivement par accord majoritaire, en rassemblant une ou des organisations syndicales représentant plus de 50% des suffrages lors des élections, est nécessaire pour s’adapter à une évolution du monde du travail que la loi ne peut totalement couvrir au risque d’une impossibilité de faire face aux défis de la concurrence. Il convient cependant de s’assurer qu’un examen annuel et des recommandations puissent être annuellement établis par les branches professionnelles.
Enfin, il convient aussi de renvoyer aux partenaires sociaux le soin d’organiser la modulation de la taxation des CDD devenu nécessaire dans les cas où ce type de contrat n’est pas indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise mais utilisé, par exemple avec des CDD de moins d’une semaine, pour camoufler des renouvellements de contrats qui ne disent pas leur nom.
La définition d’une bonne représentativité patronale doit être proposée. L’accord entre le Medef et la CGPME au détriment de l’UPA n’est pas acceptable et chacun doit pouvoir être assuré de sa représentation légitime autour de la table des négociations.

Ainsi ce texte, avec ses 7 titres, représente un outil d’adaptation aux évolutions du monde du travail marqué par la mondialisation, l’individualisation des relations dans l’entreprise, l’émergence du numérique et le développement de nouvelles formes d’emploi.
Il propose également des droits nouveaux pour les actifs de notre pays.

Comme toujours les changements font peur et les craintes nous laisseraient à penser que la situation d’aujourd’hui est satisfaisante. Il n’en est rien, tant ce qui est exprimé parfois correspond bien plus à une photographie du moment qu’à une projection de ce que serait le monde du travail avec ce texte.

Il faut réformer pour permettre à nos entreprises de se développer car ce sont elles qui créent l’emploi. Mais il faut aussi assurer des droits et des protections nouvelles pour les actifs qui ne peuvent être les variables d’ajustement du marché.
C’est tout le sens de l’ensemble de ce projet de loi quand on veut bien l’examiner dans sa globalité et qui objectivement peut maintenant être voté.


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