Contributions au débat sur l’identité nationale

A travers deux tribunes, Marc Loret et Franck Dagorne, membres du Secrétariat fédéral du PS morbihannais, nous livrent leur point de vue sur le débat sur l’identité nationale lancé par le gouvernement…

 

Débat sur l’Identité Nationale : la gauche doit être présente

marc loret La concomitance du décès, discret, de Claude Levi-Strauss et du lancement fanfaronnant du débat national sur « Identité Nationale » nous donne l’occasion de resituer ce débat dans son contexte et de nous interroger à la fois sur le fond et sur la forme de cette initiative gouvernementale.
A n’en pas douter, considérant la fissuration de la droite à travers les différentes « affaires » qui ont émaillé ces dernières semaines (taxe professionnelle, grand emprunt, nomination de Jean Sarkozy, …), il était plus que temps d’envoyer un rideau de fumée, d’allumer un contre-feu contre lequel la contestation interne à l’UMP viendrait brûler ses ailes.
Par ailleurs, en faisant quasiment de ce thème une « grande cause nationale », touchant les citoyens dans leur fibre patriotique, le gouvernement pense ainsi capter l’essentiel des préoccupations des français en faisant diversion et espère peut être aussi faire renaître des sentiments nationalistes propres à rallier quelques voix du front National avant les prochaines élections.
Il faut être aveugle pour ne pas voir dès à présent que les dés sont pipés quand on apprend que cette consultation prévue pour se terminer fin janvier 2010, verra une première conclusion par le chef de l’état lui-même le 5 décembre prochain ?
En terme de contenu, en lisant les documents publiés sur le site du Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale, on note un décalage total entre l’idée qu’on peut avoir de cette notion et ce que le gouvernement veut y mettre. On y trouve une liste à la Prévert, allant des paysages au vin, de l’art de vivre à l’art culinaire, du patrimoine aux hautes technologies, etc… Cette identité nationale n’est-elle pas – au contraire de ce qui nous fait ressembler aux autres – ce qui nous en différencie ?
Comme le dit Claude Lévi-Strauss : « Les sociétés se construisent une identité, non pas en puisant dans un fonds comme si on ouvrait des boîtes, des malles et des vieux trésors accumulés et vénérés, mais à travers un rapport constant d’interlocution et de différenciation avec ses voisins ».
L’exception culturelle française, la laïcité comptent ainsi parmi les vrais éléments de notre identité car ils induisent une véritable différenciation structurelle.

Puisqu’il est lancé, ne nous laissons pas voler ce débat, au risque d’y voir intégrés des éléments que nous combattons par ailleurs ; ne le laissons pas, par notre passivité, ouvrir les portes à un nationalisme qui ne dit pas son nom.

Marc Loret

«La Nation, telle que je la conçois, ne demande pas aux gens d’où ils viennent mais où ils veulent aller ensemble».

portrait dagorneQu’est-ce qui fonde le lien à la nation ou au contraire donne à certains le sentiment d’en être exclus? Ce thème de l’identité nationale fait irruption afin de masquer les vrais problèmes sociaux, économiques ou environnementaux alors que se profilent des élections régionales aux enjeux majeurs.

Les dictionnaires nous disent : L’identité nationale est le sentiment que ressent une personne de faire partie d’une nation. Ainsi, un individu peut se déclarer français quand il est officiellement de nationalité française, mais aussi quand il se sent partager assez de « points communs » avec les Français pour appartenir à leur communauté.

L’appellation « identité nationale » désigne aussi l’ensemble de ses « points communs » entre les personnes se reconnaissant d’une même nation, et qui forment un ensemble d’habitus socialisant.
Le sentiment d’identité est intime à chaque personne, mais la sociologie et les études historiques ont montré que l’identité nationale d’une personne est une intériorisation de repères identitaires due à une présence quotidienne de « points communs » de la nation, de manière intime, pratique et symbolique (références symboliques communes, concrètes ou intellectuelles), organisée souvent volontairement par l’État auprès des individus dès leur enfance (à travers l’école, entre autres), et, de manière générale, l’identité d’une personne n’est pas figée, elle évolue et correspond à un « parcours de vie ».
L’identité nationale, c’est quoi alors ? Un ensemble de points communs ou un sentiment d’appartenance ? Les seuls moyens qu’on a d’approcher de la réponse, c’est de parler de l’Histoire de la France, de l’espace français, de sa population et de l’histoire de son État. C’est une autre façon de se demander ce qu’est la France, à travers les traces qui sont restées de son Histoire : ses monuments, son drapeau, sa langue, son territoire, ses valeurs communes, sa structure sociologique… La France est liée par son passé à la diversité des hommes et des femmes présents sur son territoire et elle a le devoir de construire le futur du mieux vivre ensemble.
Qu’est ce qu’être Français ? Qui a bien pu se poser cette question ces derniers temps ? Si ce n’est une droite aux accents pétainiste, en mal d’outils de division des Français.

Après le thème sécuritaire aux européennes, il fallait retrouver une valeur électorale sûre à la droite pour les prochaines élections régionales. Ce sera l’immigration et l’identité nationale. Ne nous y trompons pas. Le moment choisi pour ce débat n’est évidemment pas anodin. Il s’agit là pour l’UMP de récupérer les voix du FN aux régionales et diviser les Français qui se lient dans une contestation du pouvoir actuel. On nous ressert ce thème fédérateur à droite, cette vieille soupe nationaliste, pour faire oublier d’autres problèmes, la dette publique qui explose, les inégalités ou le bouclier fiscal. Ébranlé par l’accumulation de trébuchages politiques, le gouvernement essaye de nous faire regarder ailleurs.

Etre Français, aujourd’hui ? La question ne se pose pas seulement pour un jeune Français né de parents étrangers qui cherche des racines entre son histoire familiale et le pays qu’il habite. Elle concerne tout autant un Corse attaché à la culture insulaire, à un Breton attaché à sa langue ou à son « pays » ou encore à un Creusois qui ne reconnaît plus son village, qui a davantage changé en cinquante ans que pendant les 3 derniers siècles. Elle s’adresse avec autant d’acuité à un Antillais ou bien encore aux Alsaciens et Mosellans qui ont changé cinq fois de nationalité entre 1870 et 1945… On peut être Français en aimant le « bling-bling » ou en le détestant, en chantant avec joie notre hymne national ou au contraire en contestant ses accents martiaux. On peut être Français en pensant que la France, c’est « la terre », ou en pensant que la France n’est France que quand elle est métissée. Alors, où se trouve l’identité nationale, cette image qu’à droite on rêve uniforme ?
L’identité nationale, c’est ce qui fait que chacun se sent faisant partie du même ensemble. Et cet ensemble est La Nation.

La Nation française est fondée sur la notion d’appartenance à une communauté de citoyens qui sont (et doivent rester) tous égaux en droits et en devoirs quelle qu’ait été leur provenance sociale, géographique ou spirituelle. C’est cette Nation, organisée en Etat Républicain, qui doit entretenir la tolérance à tous les niveaux et donc faire vivre l’un des piliers de notre République : la Laïcité.
La République Française est fondée sur des valeurs ou principes partagés : la Démocratie, Les Droits de l’Homme, la Laïcité. Ces valeurs viennent soutenir sa devise : Liberté-Egalité-Fraternité.
Lorsque l’on mesure l’adhésion des enfants issus de l’immigration aux valeurs communes de la société française, on constate qu’ils ne sont pas moins intégrés que les autres. Longtemps, on était Français que si l’on était catholique. Puis la rupture de la Révolution est intervenue. Certaines valeurs du christianisme sont restées au cœur de l’identité nationale. Il ne faut ni les ignorer, ni les encenser.
Aujourd’hui, le pluralisme des religions et l’acceptation des autres religions font partie intégrante de l’identité nationale. Un ministre du Gouvernement actuel essaye de faire changer cette propension naturelle à la tolérance du peuple et par là à diviser la Nation et mettre en danger la République. Tout simplement parce que diviser c’est régner et qu’il est plus aisé de designer des boucs émissaire que de gouverner honnêtement et reconnaître ses erreurs, pour ne pas dire ses fautes.

L’identité nationale se doit d’être ouverte et donc multiforme. Elle se modifie constamment par la rencontre avec l’autre, venu d’ailleurs. La France est le pays qui, à l’échelle de notre continent, compte le plus de couples mixtes entre Européens et non-Européens. Cela prouve sans doute que la fraternité, l’humanisme et la tolérance sont des valeurs plus fortes que les bassesses élyséennes.
Là-bas on semble ignorer que la grandeur d’un pays réside dans la reconnaissance des différentes identités de ses composantes. Sans en stigmatiser ou favoriser aucune.
Nous, socialistes, ayons au cœur cette conception fraternelle de la Nation qui fait le ciment de la France qu’on Aime !

Franck Dagorne

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