Intervention de Jean-Yves Le Drian – Session du Conseil régional de Bretagne : être au rendez-vous des engagements et analyser les conséquences du Brexit


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Intervention de Jean-Yves Le Drian,
Président du Conseil régional de Bretagne

Session du 30 juin/1er juillet 2016

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Mes cher-e-s collègues,

Cette troisième session de travail du conseil régional témoigne du rythme soutenu que nous nous imposons pour être au rendez-vous de nos engagements :

  • engagement à mettre en œuvre les six grandes ambitions du programme que nous avons présenté ;

  • engagement à répondre avec réactivité et responsabilité aux attentes et aux besoins de la Bretagne ;

  • engagement à accélérer la régionalisation de l’action publique, dans les faits.

Au terme de seulement six mois de travail, l’ordre du jour de notre session témoigne de cette triple exigence.

Premier exemple : la nouvelle carte portuaire de Bretagne.

Avec le renforcement des responsabilités économiques des régions et des intercommunalités, la loi NOTRe nous a donné l’opportunité historique de réinterroger le mode d’intervention des collectivités dans le développement portuaire.

Lors de notre dernière session, le cadre de notre stratégie a été posé, avec une candidature de la Région sur l’ensemble des ports départementaux. Nous voulions mettre en avant la complémentarité avec les ports régionaux et l’enjeu de la bonne coordination de l’ensemble autour d’objectifs clairs.

Les discussions ont été denses et nous avons abouti en quelques semaines à un accord respectueux de l’histoire et de la géographie, et ambitieux pour l’économie. Car il ne s’agissait pas d’un enjeu de pouvoirs entre collectivités. Il s’agissait de l’ambition maritime pour la Bretagne. Et je me félicite que cette ambition ait été partagée par l’ensemble des collectivités :

  • Les ports de commerce et les ports de desserte des îles seront désormais tous placés sous l’autorité de la Région ;

  • Les ports de pêche feront l’objet d’une gestion partagée avec les Départements et coordonnée à l’échelle régionale pour que les efforts de modernisation soient tous orientés autour d’un même objectif : la cohérence et la compétitivité des outils, pour une meilleure valorisation des produits de la pêche. Les représentants des professionnels seront bien sûr étroitement associés à la création de cette structure, « Pêche de Bretagne », sous la responsabilité de Pierre Karleskind.

Cet accord ouvre ainsi des perspectives nouvelles à des activités socles de nos territoires et de notre identité. Le dossier avait tous les ingrédients pour être complexe mais, une nouvelle fois, la « méthode bretonne » a fait son œuvre : simplicité, discrétion et pragmatisme. Je veux en remercier ici vivement l’ensemble de nos partenaires.

Nous avons pris nos responsabilités, nous avons appliqué la méthode du dialogue, nous avons privilégié l’action et nous faisons progresser la régionalisation.

Deuxième exemple dans notre ordre du jour, sur le développement économique.

Dans ce domaine, les lois MAPTAM et NOTRe ont également conduit les collectivités et l’Etat à redéfinir leurs interventions.

Alors que la Région a été renforcée dans ses responsabilités, nous avons voulu privilégier la construction d’un nouveau partenariat avec les métropoles et les intercommunalités pour assurer le développement des entreprises et de l’emploi.

Deux exigences nous guident : l’efficacité et la proximité.

L’efficacité passe notamment par la confirmation de la stratégie régionale de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) adoptée par la Région en décembre 2013. Cette stratégie, identifiée par la « Glaz économie », est fédératrice et va pouvoir être confirmée comme « schéma régional », à vocation prescriptive, après prise en compte de quelques évolutions. Je signalerai en particulier la nécessité de renforcer le chantier consacré à l’attractivité, et d’ouvrir un axe spécifique aux plus petites entreprises.

Efficacité toujours pour tenir compte des risques identifiés liés au retrait des Départements : sans attendre, et après débat en CTAP, nous avons proposé de créer de nouveaux outils de soutien aux TPE. C’est l’objet d’une première enveloppe de 2M€ que je vous propose de voter dans le cadre de la décision modificative.

C’est là où l’efficacité rejoint la proximité. A terme, avec la même « méthode bretonne », nous pourrons déployer un service public de l’accompagnement des entreprises, plus proche et plus disponible, car reposant sur un partenariat étroit avec les acteurs de terrain.

Ce sera également l’enjeu des responsabilités que la Région sera amenée à prendre dans le cadre de la compétence « emploi », expérimentation que nous solliciterons et que Georgette Bréard aura la mission de préparer.

L’exigence de l’efficacité, c’est aussi de répondre rapidement, et avec force, à des enjeux nouveaux ou à des urgences. L’amendement à la décision modificative que je porte doit nous permettre d’accompagner les investissements de deux grands groupes – D’Aucy et PSA – pour conforter la position de l’économie bretonne.

Avec 9000 producteurs, 5000 salariés, D’Aucy est l’un des principaux acteurs de l’agriculture et de l’agro-alimentaire en Bretagne. Par son soutien, et un engagement total de 10 M€ sous forme de garanties et d’avances, la Région va conforter ses centres de décision bretons et laisser à l’entreprise le temps nécessaire à la construction de sa nouvelle stratégie.

De la même façon, nous avons voulu consolider notre industrie en soutenant les investissements de PSA sur son usine bretonne. Initié par Pierrick Massiot sur le foncier, un accord industriel et territorial nous permet de poser les bases de la renaissance de ce site. Grâce à cet accord, ce ne sont pas moins de trois nouveaux véhicules qui ont été attribués à Rennes depuis deux ans : P87, la « e-Mehari » conçue avec le groupe Bolloré, et bien sûr la C84 annoncée à la Janais par Carlos Tavares. Là encore, nous nous préparons à mobiliser environ 10 M€.

Ensemble, nous montrons que la Bretagne est une région compétitive en Europe, tant pour les industries agroalimentaires qu’automobiles. Car la Bretagne est un territoire industriel et elle doit le rester. C’est l’une des responsabilités de notre collectivité.

Sur ce point également, nous prenons nos responsabilités, dans le dialogue. Nous privilégions l’action, nous faisons progresser la régionalisation.

Troisième exemple, les EMR : la feuille de route que je vous propose s’appuie sur des avancées indéniables pour conforter notre ambition.

Au-delà de l’enjeu énergétique, essentiel, et de la réduction des émissions de gaz à effets de serre, nous voulons affirmer que le développement des EMR doit positionner la Bretagne sur des technologies nouvelles et exportables, qui créeront de l’activité demain. Au croisement de l’expertise française dans le domaine de l’énergie, des travaux publics et de la construction navale, notre Région peut compter dans le marché mondial.

C’est pourquoi notre engagement est massif et résolu. Soutien à l’innovation, accompagnement des entreprises engagées dans ces défis ; formation ; concertation entre acteurs pour répondre aux conflits d’usages ; investissement dans les infrastructures, en particulier avec le projet de modernisation du port de Brest.

Trois priorités sont identifiées et sont portées par Dominique Ramard : le développement des éoliennes flottantes, la valorisation des entreprises bretonnes, l’accompagnement des îles vers le 100 % renouvelable.

Avec trois hydroliennes immergées, et bientôt des parcs au large Saint-Brieuc et de Groix, les énergies marines se déploient déjà concrètement dans notre région, qui abritent un potentiel d’énergie renouvelable exceptionnel.

Nous avons pris nos responsabilités, nous avons même pris des risques, nous avons privilégié la méthode du dialogue, nous avons privilégié l’action, nous faisons progresser la régionalisation.

Quatrième exemple, également dans notre ordre du jour, avec l’agriculture : je vous rappelle que nous avons adopté, en février, un plan pour l’avenir de la filière porcine. Avec le Préfet de région, Loïg Chesnais-Girard et Olivier Allain ont réuni hier les acteurs de la filière pour constater les nombreuses actions réalisées.

Si le cours du porc s’est amélioré, notre responsabilité est de continuer d’affirmer que l’ensemble du plan doit être mis en œuvre. Il ne faudrait pas qu’une amélioration conjoncturelle interrompe une dynamique essentielle pour l’avenir de nos producteurs.

Je vous avais également fait part de mon intention de préparer, selon la même méthode, un plan pour la filière bovine, viande et lait. Chacun connaît l’importance de cette production en Bretagne. Avec plus de 5 milliards de litres de lait collectés, notre région est au centre du plus grand bassin laitier d’Europe. La Bretagne compte près de 13 000 exploitations spécialisées en lait et viandes bovines et près de 35 000 emplois sur cette filière.

Or cette filière est déstabilisée par l’augmentation rapide de la production de l’ensemble de l’Europe et par une moindre demande qu’attendue.

Face aux conséquences de la fin des quotas, la réponse se trouve d’abord dans une meilleure régulation de la production au niveau européen. Cela fera l’objet d’un vœu que notre assemblée pourrait adopter pour accompagner les négociations que les ministres de l’agriculture ont engagées lundi à Bruxelles.

Mais comme pour la filière porcine, le Conseil régional doit également agir aux côtés des éleveurs, dans le cadre de ses compétences. Et cela sans attendre. C’est pourquoi nos intentions ont déjà été présentées à la profession, pour permettre aux agriculteurs de remplir leurs déclarations PAC avant le 15 juin en toute connaissance de cause.

En mobilisant les responsabilités que l’Europe nous a confiées, nous voulons encourager les exploitants à utiliser les Mesures Agro Environnementales et Climatiques. Ces aides apportent des ressources complémentaires aux exploitations qui s’engagent à faire progresser leur mode de production, pour plus d’autonomie. Avec ces mesures, nous pouvons répondre à la conjoncture et inscrire la filière dans une perspective de développement.

Misons sur ce qui fera, demain, la différence ! L’autonomie, la qualité environnementale, la qualité des produits, le marketing, la traçabilité des filières et les logiques de marque. Et pour gagner la bataille, aidons les acteurs de la filière à se structurer, à faire front en commun.

Sur ce point encore, nous avons pris nos responsabilités, nous avons engagé le dialogue, nous avons privilégié l’action, nous faisons progresser la régionalisation.

Dernier exemple de notre exigence : les transports.

Gérard Lahellec présentera les résultats de la négociation que la Région a menée pour diffuser la grande vitesse à l’ensemble du territoire. Deux chiffres à retenir : + 20 % d’offre TGV et TER, dix millions d’euros. C’est un effort considérable, mais la Région est à la hauteur de l’enjeu.

Le Vice-président pourra également vous faire part de l’engagement, tant attendu, des travaux de modernisation de la liaison ferroviaire entre Quimper et Brest grâce à l’accord financier obtenu auprès de l’Etat. Cette étape franchie nous permettra de développer l’accessibilité du Finistère par le Sud, vers Nantes, vers Bordeaux.

Tout cela a un prix, je l’ai dit. Mais il faut toujours rappeler qu’en Bretagne, le désenclavement est une nécessité et que la lutte contre la périphéricité est un combat. C’était déjà vrai pendant le Second Empire. C’est toujours le cas. Cette lutte, seuls les habitants, les entreprises, les élus d’un territoire comme le nôtre peuvent l’appréhender justement.

À cet égard, je veux vous faire part de ma satisfaction de voir les habitants de Loire-Atlantique, premiers concernés par le projet de Notre-Dame-des-Landes, confirmer leur soutien au transfert de l’aéroport de Nantes. Car ce nouvel aéroport contribuera évidemment aussi au désenclavement de la Bretagne.

C’est pour cette raison que le conseil régional de Bretagne a soutenu ce projet depuis 2004, en l’intégrant dans une vision concertée de l’aménagement du l’Ouest de la France, associant la liaison ferroviaire à grande vitesse vers Brest et Quimper, la liaison entre Rennes et Nantes, la RN 164 et les liaisons aériennes.

Depuis, le projet de transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes a fait l’objet de débats publics, puis d’enquête publique. Il a fait l’objet de délibérations favorables de l’ensemble des collectivités directement ou indirectement concernées, renouvelées régulièrement par les exécutifs après chaque élection.

Ce nouvel aéroport sera un outil de plus au service du désenclavement de la Bretagne et du développement économique. Les travaux n’ont que trop tardé. Ils doivent maintenant commencer au plus vite, conformément à la loi et au respect dû à cette consultation démocratique. C’est ce que le Premier ministre a affirmé devant l’Assemblée nationale.

Mes cher-e-s collègues,

En m’exprimant devant vous aujourd’hui, je ne peux pas ignorer le choc que constitue la décision du peuple britannique de quitter l’Union européenne.

Cet événement ne relève évidemment pas de la compétence de notre institution. Mais comment ne pas analyser les conséquences sur notre territoire de ce tremblement de terre qui s’imposent évidemment à nous ? Comment la Bretagne, si profondément attachée à la construction européenne, pourrait-elle ignorer les effets de cette rupture définitive ?

Les liens économiques de notre région avec la Grande-Bretagne sont historiques et puissants. Agriculture, pêche, équipement automobile, tourisme, transport maritime… Je pense à Brittany Ferries et à ses millions de voyageurs, aux professionnels du tourisme bien sûr, mais également à notre production agricole et agroalimentaire pour laquelle le Royaume Uni est un débouché naturel. Je pense également aux nombreux britanniques qui se sont installés en Bretagne. De nombreuses entreprises et secteurs d’activité clef pour notre économie vont devoir s’adapter à une nouvelle donne, encore inconnue. La Région se doit d’être présente à leurs côtés.

Pour nous aider à identifier les enjeux économiques du Brexit, j’ai demandé au Président du CESER, Jean Hamon, de se saisir de cette question majeure, d’examiner les effets possibles du retrait britannique pour nos entreprises en s’entourant des expertises nécessaires. Je vous proposerai qu’il puisse présenter les résultats de ce travail devant notre assemblée, afin que nous examinions les mesures que le conseil régional pourrait prendre.

Mais au-delà de ses effets économiques, le Brexit montre le malaise des peuples. Le malaise de ceux qui craignent les effets d’une mondialisation sans retenue ni projet, qui ne voient pas ce que fait l’Europe pour protéger leurs intérêts, leurs emplois, leurs cultures. Pour eux, l’Europe est envahissante sur l’accessoire et absente sur l’essentiel.

S’il faut parfois des crises pour avancer, considérons que nous y sommes. Considérons ce vote comme une chance, sans doute la dernière, de rebond.

Le moment est certainement venu d’une profonde relance du projet européen. Comme l’a dit très clairement le Premier ministre devant l’Assemblée nationale mardi, « il faut réinventer l’Europe et la manière de faire l’Europe ». L’Europe doit redevenir un projet qui protège, qui renforce, qui construit. Elle doit être offensive là où elle est utile, mais elle doit savoir s’effacer quand les compétences peuvent rester dans les Etats, voire dans les régions.

D’autant que, j’en ai la conviction, nos concitoyens et l’ensemble des européens, derrière leur méfiance à l’égard des institutions, ont une puissante aspiration européenne. Les jeunes, en particulier, vivent au quotidien cette réalité de la communauté de destin de nos nations, la richesse des valeurs et de l’histoire qui les rassemblent, et ne demandent finalement qu’à adhérer à un nouveau projet fédérateur, pourvu qu’il soit ambitieux, qu’il offre la perspective d’un avenir meilleur, qu’il soit protecteur, inscrit dans la réalité des peuples et de ce qu’ils sont… et ne dérogeant jamais sur les principes démocratiques.

Sommes-nous hors sujet dans une session du Conseil régional ? Je ne le crois pas, bien au contraire, car le Brexit conduit à souligner la place et le rôle nouveau que les territoires et les institutions locales peuvent jouer pour proposer à nos concitoyens des repères, des solidarités, des protections qu’ils ne trouvent pas ailleurs.

Ce n’est pas pour rien non plus que toutes les enquêtes d’opinion confirment que, dans la défiance généralisée, la région et a fortiori une région à forte identité comme la Bretagne est l’échelon qui suscite encore espoir.

Est-ce d’ailleurs un hasard si l’Ecosse et l’Irlande-du-Nord ont maintenu leur confiance envers le projet européen ? C’est pourquoi je souhaite que la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM), créée en Bretagne en 1973 pour renforcer l’ancrage du projet européen, se saisisse à nouveau de celui-ci, avec une ambition renouvelée. J’ai sollicité son Président, Vasco Alves Cordeiro, pour cela.

Certes, la collectivité régionale ne peut pas tout et ses moyens sont souvent trop limités. Mais les régions peuvent néanmoins beaucoup, par la restauration de lieux de confiance, d’espaces de dialogue et de créativité.

C’est ce que nous nous efforçons de faire ici. La régionalisation, nous devons la faire progresser ensemble, par la preuve et par l’action, en Bretagne, au sein de la République et en Europe.

Je vous remercie.

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